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QUESTION D'ACTU

Après la mise en examen de Didier Lombard

Suicides au travail: la Justice avance, la prévention piétine

Trois ans après la vague de suicides chez France Télécom, les premières mises en examen tombent. La Justice suit son cours mais dans les entreprises, la santé des salariés est toujours en danger.

Suicides au travail: la Justice avance, la prévention piétine L\'ex-Pdg de France Télécom, Didier Lombard, a été mis en examen pour harcèlement moral le 4 juillet dans l\'enquête sur la vague de suicides dans le groupe. MEIGNEUX/SIPA




L’ex-PDG de France-Télécom, son ex-n°2 et l’entreprise elle-même viennent d'être mis en examen pour harcèlement moral. Une première dans l’histoire de la Justice. Jamais un PDG n’avait ainsi été mis en examen dans une affaire de ce type. Plus étonnant encore, Didier Lombard est soumis à un contrôle judiciaire et a dû payer une caution de 100 000 euros.
« C’est la suite logique de l’enquête ouverte il y a deux ans sur la vague des 35 suicides qui ont eu lieu en 2008-2009 », tempère le Dr Patrick Légeron, fondateur du cabinet Stimulus, spécialisé dans la gestion du stress et des risques psychosociaux. Certes, mais ces mises en examen marquent tout de même la détermination de la Justice. Et pour les familles des victimes, c’est déjà une petite victoire. Mais une victoire judiciaire.

Plus de 3 ans après la série noire de suicides, les entreprises en ont-elles tiré des enseignements ? La santé des salariés est-elle mieux protégée ? Il semble que l’affaire de France Télécom ait au moins permis de lever un tabou. Le phénomène des suicides au travail n’est en effet pas marginal. L’Inserm estime qu’il toucherait 10 000 personnes par an. « Nous sommes en train de sortir de la phase du déni, estime le Dr Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail.


Dr Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail : "Les entreprises bottent en touche. Le fond du problème n'est pas traité."




Le fond du problème, c’est évidemment la question du management. France Télécom a bien sûr été contrainte de revoir son organisation. Elle a rapidement mis fin à ses mutations forcées, des cadres ont aussi été formés à repérer les personnes en souffrance dans l’entreprise. 
Cependant, le monde de l’entreprise s’est-il réellement remis en question ? Les spécialistes du stress au travail sont plus que dubitatifs. Si Bernard Salengro estime que pour le moment, « les entreprises se refilent la question du stress au travail comme une patate chaude», Patrick Légeron tire lui aussi un bilan très négatif. Trois ans après l’électrochoc France Télécom, « la prévention du stress au travail reste toujours le parent pauvre dans l’entreprise ».

Dr Patrick Légeron, fondateur du cabinet Stimulus spécialisé dans le stress au travail : "On ne sait toujours pas recenser le nombre de suicides au travail".



Les outils pour mesurer l’ampleur des suicides au travail et les prévenir manquent donc cruellement. Bien sûr, on ne peut pas mettre cela uniquement sur le compte du cynisme des entreprises. Les médecins du travail reconnaissent que bien souvent elles ne savent par quel bout prendre ce problème.
Par ailleurs, la crise économique actuelle ne constitue pas la période la plus propice pour remettre à plat les habitudes managériales. « Dans les grosses boîtes, il y a une restructuration tous les 6 mois. On vire des gens sans aucun égard. Certes, avec le Medef, nous avons entamé une négociation sur la qualité de vie au travail mais on a le sentiment d’être les violonistes sur le Titanic en train de couler, analyse le Dr Salengro. »

Si les entreprises se révèlent incapables de se réformer de l’intérieur, reste maintenant à savoir quel peut être le bon levier à actionner. Pour Marie Pezé qui a créé la première consultation « Souffrance et travail » en 1997, « la jurisprudence est et sera un bon moteur de changement. Des entreprises ont déjà été condamnées. » La justice a déjà plusieurs fois reconnu la faute inexcusable de Renault dans des suicides au Technocentre de Guyancourt. « Pour France Télécom, je pense qu’il y aura des peines de prison ferme », estime Marie Pezé. La pression risque donc de monter. Même si certains considèrent que la Justice fait fausse route en choisissant le harcèlement moral comme chef d’inculpation.

Dr Patric Légeron : "On parle maintenant de harcèlement moral pour toute forme d'organisation du travail. C'est très dangereux".



L’autre levier pourrait bien se situer dans les écoles de management. Pour Bernard Salengro, « les étudiants n’ont aucune notion des règles de fonctionnement d’un groupe humain. Ils savent tout de la résistance des matériaux mais rien de la résistance humaine ! »

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