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La Santé en Questions

Violences contre les médecins : ce qu’il faut retenir de l’interview du président de l’Ordre

La montée de la violence qui touche l’ensemble de la société n’épargne pas les médecins. Quelle est l’ampleur du phénomène, quelles sont ses conséquences, quelles solutions mettre en œuvre ? Le point avec le Dr François Arnault, président de l’Ordre des médecins, invité de l’émission "La Santé en Questions" interrogé par le Dr Jean-François Lemoine et le Dr Jean-Paul Ortiz.

Violences contre les médecins : ce qu’il faut retenir de l’interview du président de l’Ordre iStock/ :Ivan-balvan




L'ESSENTIEL
  • 1.244 incidents violents contre des médecins ont été recensés en 2022.
  • Ces violences sont souvent liées à des pressions pour obtenir des arrêts de travail ou certaines prescriptions.
  • Face à cette situation, le président de l'Ordre des médecins considère que "l'exercice solitaire ne doit plus être un modèle".

Plus de 1.200 actes de violence contre les médecins ont été recensés en 2022, un chiffre en augmentation très rapide. Pour le Dr François Arnault, président de l'Ordre des médecins, il s'agit d'un véritable "fléau" qui a des conséquences sur la qualité des soins et la pratique médicale et qui dégrade le rapport de confiance nécessaire entre le médecin et ses patients. Ce qu'il faut retenir de ses déclarations :

- Sur les chiffres de la violence contre les médecins 

Pour la seule année 2022, 1.244 incidents violents contre des médecins ont été recensés, selon un rapport du conseil de l’Ordre publié en mai 2023. Ce chiffre est issu de l’Observatoire de la Sécurité des médecins mis en place en 2002. Cela représente une augmentation de 12% par rapport à l’année 2021. « Il s’agit d’un fléau et c’est une vraie préoccupation pour le conseil de l’Ordre », souligne le Dr François Arnault.

Un rapport communiqué par le ministère de la Santé en juin 2023 précise que parmi ces violences, on relève 73% d’agressions verbales et 7% d’agressions physiques. Toujours selon ce rapport, les médecins victimes de violences sont à 71% des généralistes et à 56% des femmes. Chez les spécialistes, ceux qui sont le plus confrontés à ces agressions seraient les cardiologues et les psychiatres. A l’hôpital, ce sont les infirmiers qui sont le plus souvent victimes (47%).

Mais malgré ces statistiques qui illustrent la montée de ces violences, seuls 31% des médecins qui en sont victimes ont porté plainte et 8% ont déposé une main courante. « La consigne de l’Ordre est de porter plainte et que les ordres départementaux se portent partie civile aux côtés du médecin agressé », rappelle Le Dr Arnault qui avance deux raisons pour expliquer cette faible proportion de faits portés à la connaissance de la justice : « D’une part, ces actes vont au-delà de ce que les médecins imaginent dans leur relation avec les patients, d’autre part ils connaissent leurs patients, sont amenés à les revoir et certains ont sans doute peur de représailles ».

- Sur les motifs de ces violences 

« On ne peut pas parler des violences contre les médecins isolément des problèmes de la société, estime François Arnault, c’est une évolution générale face à laquelle nous sommes tous un peu incrédules, une évolution inquiétante ». Comme lui, le rapport communiqué par le ministère fait le lien entre cette montée des agressions et celle de la violence dans l’ensemble de la société, notamment depuis la crise sanitaire. Un phénomène qui serait en lien avec les difficultés économiques et sociales, le repli sur soi, l’individualisme et une défiance vis-à-vis de toute autorité, y compris l’autorité médicale.

Plus précisément, le Dr Arnault explique que ces violences contre les médecins sont le plus souvent liées à des pressions pour obtenir un arrêt de travail, ou la prescription de certains médicaments, notamment dans des cas d’addiction. « Ce sont les causes que l’on identifie le mieux », précise-t-il.

Mais il met aussi l’accent sur les réactions de patients confrontés à la difficulté de trouver un médecin et aux délais pour obtenir un rendez-vous en raison du grave problème de la démographie médicale (6 millions de Français n’auraient plus aujourd’hui de médecin traitant, NDLR) qui exacerbe l’impatience dans les salles d’attente. « Il y a derrière tout cela une démographie médicale catastrophique, les médecins doivent répondre à une masse de demandes de soin et n’ont pas toujours le temps de prendre en charge chaque patient de façon satisfaisante. Cela altère la confiance entre le médecin et son patient et si on rompt cette confiance, la situation va devenir incontrôlable ».

- Sur l’impact de la violence sur la qualité des soins 

« Cela ajoute une pression supplémentaire sur le médecin qui, au-delà de son obligation de moyens, se trouve confronté à une obligation de résultat et il est bien difficile de garantir un résultat sur l’évolution d’une maladie », affirme le Dr François Arnault.

- Sur l’influence de la violence dans l’évolution de l’exercice médical 

« L’exercice médical solitaire ne doit plus être un modèle ! », lance le président de l’Ordre qui juge que « lorsque l’on exerce dans une maison de santé pluridisciplinaire rassemblant médecins, infirmiers, kinésithérapeutes et disposant d’un secrétariat, on est moins seul face à une agression ».

- Sur la possibilité de mettre en place des dispositifs pour assurer la sécurité des médecins 

Des agents de sécurité vont-ils un jour apparaître à l’entrée des cabinets des médecins, comme c’est déjà le cas pour les hôpitaux ? « Je ne peux pas dire que non, même si cela poserait de vrais problèmes de confidentialité », répond le Dr François Arnault.

Autres solutions, la vidéo surveillance, des boutons d’appel des forces de l’ordre dans les cabinets ? « Là encore, il est possible qu’il faille aller jusque-là, je ne sais pas où va s’arrêter cette violence … Mais il faut trouver une solution pour que tous les patients soient pris en charge correctement ».

- Sur les réseaux sociaux, une autre source de violences 

« On ne doit pas tolérer qu’un médecin puisse être diffamé sur les réseaux sociaux », affirme le président de l’Ordre en soulignant que le recours à des spécialistes de la réputation digitale qui prônent la multiplication d’avis positifs pour contrer l’effet des commentaires négatifs « n’est pas la bonne réponse ». Il annonce avoir pris date avec les responsables de ces plateformes pour tenter de trouver une solution.

- Sur les moyens déjà mis en œuvre pour protéger les médecins 

« Nous avons développé l’affichage dans les cabinets des risques pénaux encourus en cas de violence contre les médecins ou le personnel des cabinets médicaux », rappelle François Arnault en soulignant que la protection et l’assistance des médecins est au cœur des missions de l’Ordre.

Surtout, il insiste sur la nécessité pour les médecins de « garder la confiance ». « Les médecins ont un peu tendance à perdre confiance dans ce que représente leur profession alors qu’ils jouent un rôle central dans l’accès aux soins, on ne peut pas faire comme si l’on ne pouvait pas s’en passer ! ».

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