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L'interview du week-end

Mars Bleu : « La chirurgie est actuellement le seul traitement pour guérir d’un cancer colorectal »

Dépistage, symptômes, traitements... Le Dr Raphaël Bourdariat, chirurgien général et digestif au sein de l’hôpital Jean-Mermoz à Lyon, nous explique tout ce qu’il faut savoir sur le cancer colorectal.

Mars Bleu : « La chirurgie est actuellement le seul traitement pour guérir d’un cancer colorectal » Mohammed Haneefa Nizamudeen / istock.




- Pourquoi docteur : Comme chaque année, l’opération de communication baptisée "Mars Bleu" sensibilise pendant un mois les Français au cancer colorectal. Quels sont les bons gestes à adopter au quotidien pour éviter de le développer ?

Dr Raphaël Bourdariat - Il n'y a pas de prévention absolue de l'apparition d'un cancer colorectal, mais nous pouvons néanmoins diminuer la probabilité de le voir apparaître. Pour cela, une bonne hygiène de vie aidera très largement à limiter les risques. On pense tout particulièrement au tabac, facteur favorisant la carcinogenèse (la fabrication du cancer). La pratique régulière du sport, tout comme la lutte contre la sédentarité et le surpoids, réduiront également les risques d’apparition de la maladie. L’adoption d’une alimentation saine est aussi essentielle.  

- Y a-t-il des aliments à éviter ou à privilégier ?

Il n'y a pas d'aliments à bannir totalement, mais faire le choix d’une alimentation variée et équilibrée aidera considérablement à prévenir l’apparition de la pathologie. Les facteurs nutritionnels qui augmentent les risques de cancer colorectal sont : les régimes riches en protéines, en particulier en viande rouge, et les régimes trop riches en graisses, surtout celles d'origine animale.

D'autres facteurs nutritionnels sont, par contre, plutôt protecteurs : le café, les fibres alimentaires (contenues essentiellement dans les légumes tels que les choux) et les vitamines A, C, D ou E. L’aspirine et les médicaments anti-inflammatoires peuvent également être considérés comme des éléments préventifs.

- Quid du dépistage ? 

Toujours dans un souci de prévention, il conviendra de détecter les personnes à risque par rapport à leurs antécédents familiaux et de mettre en place si besoin avec eux une surveillance rapprochée par coloscopie.

Pour la population générale française, les autorités de santé publique ont généralisé un test permettant la recherche de sang dans les selles à compter de l'âge de 50 ans. Il doit être renouvelé tous les deux ans et vise à repérer précocement les personnes pouvant potentiellement développer un début de cancer du côlon ou du rectum.

- Comment le cancer colorectal se développe-t-il ?

Le côlon (ou gros intestin) est la partie terminale du tube digestif. Il fait suite à l'intestin grêle (ou petit intestin) et se termine par le rectum. La fonction du gros intestin est essentiellement de réabsorber le maximum de liquide provenant de l’alimentation pour concentrer, former et stocker les matières fécales, résidus de la digestion.

Le point commun entre le côlon et le rectum est la muqueuse intestinale, paroi tapissant l'intérieur de l'intestin et formée de villosités recouvertes de cellules superficielles (l'épithélium). Cette muqueuse peut, sous l'influence de mutations, se transformer progressivement en tissu cancéreux.

Il s'agit d'abord de polypes dits « adénomateux », qui sont des tumeurs bénignes. Puis, dans un second temps, il s'agit de cancers appelés « adénocarcinomes lieberkühnien ». Les cellules cancéreuses (malignes) prolifèrent alors sans contrôle. La tumeur se développe d'abord dans la paroi de l'intestin, puis les cellules cancéreuses migrent dans les ganglions lymphatiques et, plus tard, dans l'ensemble de l'organisme, pouvant donner des métastases.

- Le cancer colorectal est-il fréquent ?

Les cancers du côlon et du rectum sont parmi les plus fréquents des cancers en France : en 2009, plus de 37.000 nouveaux cas ont été diagnostiqués.

Statistiquement, la France figure parmi les pays où ce cancer est le plus répandu. C'est le deuxième cancer chez l'homme après celui de la prostate (un peu plus de 60.000 cas par an), et le second chez la femme après celui du sein (environ 42.000 cas par an). 

- En meurt-on encore ? 

Oui. Mais sa mortalité diminue depuis les années quatre-vingt grâce aux progrès des traitements et du diagnostic dans les phases précoces de la maladie. 

- Quels sont les symptômes d’un cancer colorectal ? 

C'est à partir de 50 ans que le risque de voir apparaître ce cancer augmente. Bien souvent, les symptômes apparaissent lorsque la tumeur a déjà atteint un certain volume.

Les signaux d’alerte les plus fréquents sont des saignements (pas toujours visibles dans les selles), une anémie (pouvant se traduire par une fatigue, un essoufflement et une pâleur), des troubles du transit (une constipation soudaine ou une diarrhée longue), et des douleurs de coliques survenant par crises de quelques jours.

Plus rarement, c'est une occlusion digestive due à la tumeur provoquant un rétrécissement du diamètre intérieur du côlon qui conduit à faire le diagnostic en urgence. L'occlusion entraîne des douleurs abdominales, des gaz et des vomissements. 

Dernière précision : pour les personnes atteintes d'hémorroïdes, le risque est de confondre les saignements dus à un cancer colorectal avec des saignements d'origine hémorroïdaire. Tout saignement anormal doit donc amener à consulter un médecin. 

- Quels sont les principaux facteurs de risque ? 

Si le cancer du côlon atteint en majorité des personnes âgées d'environ 70 ans, certains facteurs de risque exposent au cancer avant cet âge. 

Il a par exemple été démontré que le risque de cancer colorectal augmente dans la famille d'un patient atteint de cette pathologie. Il est encore plus important lorsque deux parents du premier degré sont atteints (parents, frères ou sœurs), et surtout lorsque la maladie est survenue avant l'âge de 60 ans. 

De même, le risque augmente avec la présence de polypes adénomateux, qui ont un risque de transformation maligne. Le danger est proportionnel à leur taille : faible en dessous d'un centimètre et de l'ordre de 30 % au-delà de deux centimètres. Lorsqu'ils ne sont pas trop gros, l'ablation des polypes est réalisable dans la majorité des cas lors de la coloscopie. 

Enfin, les maladies inflammatoires du tube digestif comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique augmentent aussi le risque de transformation cancéreuse des cellules de l'intestin. Ce danger est d'autant plus menaçant si ces maladies évoluent depuis plus de 10 ans. 

- Cette maladie est-elle héréditaire ?

Dans la grande majorité des cas, le cancer colorectal n'est pas héréditaire. Cependant, près de 5 % de ces cancers résultent d'une prédisposition génétique, c’est-à-dire que leur survenue est liée à l'existence d'un gène anormal. 

- Quels sont les traitements disponibles aujourd’hui ? 

La chirurgie est actuellement le seul traitement qui permet d'obtenir la guérison d'un cancer du côlon ou du rectum. Elle doit donc être réalisée chaque fois que possible.

En l'absence de prise en charge médicochirurgicale, la tumeur risque immanquablement de se compliquer à terme d'une hémorragie, d'une occlusion intestinale ou d'une perforation intestinale. Ces complications nécessiteront alors une intervention chirurgicale en urgence et imposent généralement la réalisation d'un anus artificiel, qui aurait pu être évitée si l'opération avait eu lieu « à froid ».

Plusieurs types de traitements peuvent être associés à la chirurgie, comme la radiothérapie et la chimiothérapie. Dans tous les cas, ils sont adaptés aux caractéristiques de la tumeur et à son stade d'évolution. 

- En quoi consiste l’intervention chirurgicale ? 

La chirurgie a deux objectifs : enlever la tumeur de façon complète d'une part, et préciser le stade d'évolution du cancer d'autre part. Le type d'intervention diffère selon qu'il s'agit d'un cancer du rectum ou du côlon.

L'intervention pour le cancer du côlon consiste à enlever le segment d'intestin sur lequel est située la tumeur. La graisse entourant le côlon, dans laquelle la tumeur aurait pu s'étendre et qui contient des ganglions susceptibles d'être envahis, doit aussi être enlevée. Après l'ablation, les deux segments d'intestin restant sont suturés l'un à l'autre pour rétablir la continuité digestive. Si la tumeur se situe sur le côlon droit, le chirurgien réalise une ablation de la partie droite du côlon, puis pratique une anastomose iléo-colique (c'est-à-dire une suture entre l'iléon - partie terminale de l'intestin grêle - et le côlon restant). Si la tumeur est localisée sur le côlon gauche ou la partie gauche du côlon transverse, le chirurgien réalise une colectomie gauche puis pratique une anastomose colo-colique (c'est-à-dire une suture entre le côlon transverse restant et le côlon sigmoïde). 

L’intervention pour le cancer du rectum varie selon la localisation tumorale. Quand l'atteinte est située sur la partie haute du rectum, l'intervention est comparable à celle du cancer du côlon gauche. Quand elle est plus basse, l'intervention consiste en une ablation de l'ensemble du rectum, ainsi que du territoire graisseux et vasculaire qui l'entoure, appelé « mésorectum ». Un rétablissement de la continuité du tube digestif entre le côlon et l'anus est possible si le pôle inférieur de la tumeur est à plus d'un centimètre du sphincter anal (muscle permettant de contrôler l'évacuation des selles).

- Y a-t-il eu des innovations dans ce domaine ? 

Si la technique de référence est, pour l'instant, la chirurgie classique, qui permet un abord direct de la tumeur, la chirurgie sous cœlioscopie est une des innovations les plus significatives de ces dix dernières années. Son avantage est de diminuer la taille de la cicatrice, de réduire les douleurs postopératoires et la durée de l'hospitalisation. Elle est faite sous anesthésie générale. 

- Comment se prend la décision thérapeutique ? 

La prise en charge d'un cancer du côlon et du rectum nécessite l'intervention de plusieurs médecins. En général, le médecin généraliste est le premier consulté lors de l'apparition des symptômes. Le deuxième intervenant est le gastro-entérologue pratiquant la coloscopie permettant de poser le diagnostic. Puis le radiologue, l'anatomopathologiste et le biologiste réalisent les examens du bilan d'extension. Ensuite, c'est le chirurgien qui intervient. En dernier lieu, ce sont les cancérologues, soit pour la radiothérapie (radiothérapeute), soit pour la chimiothérapie (oncologue ou gastro-entérologue spécialisé en cancérologie digestive). La prise en charge suppose aussi l'intervention de nombreux autres acteurs (infirmières, aides-soignantes, psychologues, diététiciennes, etc). 

Les traitements d'un patient atteint de cancer colorectal sont codifiés et discutés lors de réunions médicales appelées Réunions de Concertation Pluridisciplinaires (RCP) qui regroupent un grand nombre de spécialistes.

- Comment apprend-on que l’on souffre d’un cancer colorectal ? 

A chaque fois que c'est possible, le patient doit bénéficier d'une consultation d'annonce au cours de laquelle sont détaillés ses traitements.

Lors de ce rendez-vous, il peut rencontrer une infirmière pour lui expliquer ses soins et en particulier sa chimiothérapie. Il peut aussi ensuite consulter un(e) psychologue, susceptible de l'aider surmonter cette période difficile, un(e) diététicienne, pour bien choisir son alimentation, et enfin une assistante sociale, pour le guider dans ses démarches administratives avec le travail ou l’Assurance maladie. 

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