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QUESTION D'ACTU

Tribune

Certificat de virginité : «un stigmate du patriarcat»

Israël Nisand, professeur de gynécologie-obstétrique à l'université de Strasbourg, spécialiste en procréation médicalement assistée et président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, publie une tribune sur les certificats de virginité, dans la ligne de mire du gouvernement. 

Certificat de virginité : \ Doucefleur / istock.




Comment faisait-on avant ? Avant qu’il n’y ait des professionnels pour se constituer en adresse valable pour vérifier la virginité des femmes ? On le faisait sans eux. Des matrones, souvent peu amènes, s’en occupaient et d’ailleurs se trompaient souvent (à la tête de la cliente).

Que vient faire le corps médical dans cette histoire trouble qui contribue à l’humiliation systémique des femmes ? Quelle est l’utilité médicale de tels certificats ? Quelle est la validité des conclusions médicales que l’on peut tirer d’un tel examen ? Et qui les demande ? Et que penser de la réalisation de faux certificats rédigés sans examiner la femme ? Pour ceux qui commettent le forfait d’un examen gynécologique dans cet objectif, que rédigent-ils comme certificat lorsqu’ils constatent que l’hymen est non intact ? La vérité ou un mensonge par écrit ?

Pour diverses raisons, essentiellement humanitaires, la pratique du certificat de virginité persiste encore en France pour « protéger » les femmes qui pourraient être menacées. La bonne conscience est au rendez-vous : Celles et ceux qui acceptent se donnent l’impression de sauver des femmes mais chemin faisant, ils les maintiennent dans l’archaïsme le plus absolu. Pour que cette pratique cesse définitivement, il faut que la loi dise qu’elle est interdite sans quoi certains se donneront toujours de bonnes raisons pour continuer.

Car cette rémanence du certificat de virginité se fait contre l’avis des femmes concernées, mais aussi contre celui de toutes les autorités religieuses dont aucune ne demande ce véritable viol de l’intimité féminine. Quel est le sens réel de cette obligation humiliante qu’aucun homme ne rencontre dans sa vie ? La demande émane toujours de la famille et c’est pourquoi l’ordre des médecins avait en 2003 proscrit cette pratique contraire au respect du secret professionnel. Elle a néanmoins continué.

Que dire d’une pratique médicale infondée qui nie, par son existence même, la parole de la femme ? En admettant que dans certaines cultures patriarcales il faille rendre des comptes sur ses antécédents sexuels, il ne suffit pas à une femme d’affirmer qu’elle n’a jamais eu de rapport. Il lui faut en plus le prouver. Ce qui veut dire que sa parole n’a aucune valeur ! Les parents qui sont à l’origine de cette véritable offense au corps de leur fille mineure devraient être poursuivis pour maltraitance à leur enfant pour que cesse enfin cette demande contraire à la dignité des femmes. Les médecins sont astreints à signaler les maltraitances qui concernent des mineurs. De quoi s’agit-il ici si ce n’est d’une véritable maltraitance ? Plutôt que de rédiger de tels certificats, les médecins devraient avoir l’obligation d’effectuer un signalement lorsqu’ils sont confrontés à une telle demande des parents pour leur fille mineure.

La survalorisation de l’hymen dans la culture patriarcale a de fait de nombreux effets adverses pour les femmes qui la subissent. Que dire de celles qui s’ingénient à avoir des rapports « autrement » pour ne pas être déflorées ? Que dire de l’effet négatif sur la sexualité pour toute une vie quand on a appris que rien n’est plus précieux que cette petite membrane à l’entrée du vagin, qui, si elle ne saigne pas lors du premier rapport (ce qui se produit dans 50% des cas car l’hymen est parfois très souple) jette une suspicion dangereuse sur « l’honnêteté » d’une femme ? Comment aider ces femmes porteuses d’une pathologie très spécifique et difficile à soigner qui a pour nom vaginisme qui va pourrir souvent définitivement leur vie sexuelle ?

Les gestes chirurgicaux pour restaurer la virginité au prétexte fallacieux que l’on protège ainsi les femmes alors même qu’on les confirme, de fait, dans leur état de soumission aux hommes, atteste de la chosification des femmes qu’impose le patriarcat. La réparation chirurgicale de l’hymen, dont certains médecins vont même jusqu’à faire la propagande de leur dextérité à ce sujet sur internet, devrait être interdite. La nomenclature des actes médicaux de la sécurité sociale en côte même le tarif à 75€. Cette cotation devrait disparaître de toute urgence.

Cette activité (non médicale) sur le corps des femmes où les hommes les déflorent, les vérifient et les réparent (si elles en ont les moyens) avec force chirurgie sur la vulve et le sacro- saint hymen est une véritable maltraitance genrée. Inutile de comparer cela avec de la chirurgie esthétique car rien ne se voit, pas même à l’examen gynécologique. On ne peut pas non plus confondre cela avec les gestes de réparation clitoridienne effectués pour tenter de rendre une sexualité épanouie à des femmes excisées.

Ici, au contraire, on confirme le patriarcat ambiant en générant pour les femmes qui s’y soumettent, de gré ou de force, une souffrance psychique à la hauteur de ce que provoque le dévoilement impudique et intrusif de leur intimité à un moment où elles n’ont pas encore de vie sexuelle.

Une question plus philosophique réside dans le pourquoi de tout ce trafic sur le corps de femmes. Il s’agit en fait d’une volonté de maîtrise du corps fécond des femmes qui sert à calmer une immense angoisse de la gent masculine. Les femmes ont le pouvoir inouï de pouvoir choisir avec qui et quand elles font des enfants. Personne ne peut diriger une société sans mettre la main sur le pouvoir de reproduction. Pour avoir des enfants, les hommes sont obligés de passer contrat avec une femme. Pas les femmes. Quelle infériorité. De plus, elles détiennent la source de satisfaction sexuelle des hommes. Ils sentent bien de surcroit que leur capacité de jouissance sexuelle excède largement les moyens de satisfaction dont disposent les hommes. Qu’à cela ne tienne : il faut les priver de l’un et de l’autre. Ce n’est pas les femmes qui peuvent choisir librement le père de leurs enfants et on se débrouille, via la culture et la tradition, pour les rendre inaptes au plaisir sexuel afin que leur appétence sexuelle ne puisse même plus être formulée, tant elle est délégitimée par les hommes. « Une femme honnête n’a pas de plaisir ».

On perd définitivement sa virginité lors du premier rapport sexuel, quel que soit ce rapport (même s’il n’obère pas l’intégrité de l’hymen parce que la verge est trop petite par exemple) et ceci est irréversible. La virginité, ce n’est donc pas l’intégrité de l’hymen mais le fait de n’avoir jamais eu de rapport sexuel. S’il est respectable pour une femme (comme pour un homme d’ailleurs) de choisir, conformément aux traditions de sa famille, d’éviter toute relation sexuelle avant le mariage, il est en revanche inacceptable dans notre pays de se dispenser de la confiance faite à la parole des femmes.

Il est temps de cesser, cette administration genrée et maltraitante du corps des femmes.

Annexe : Réparation hyménale, la place des médecins par Karima Bettahar - Lebugle et Israël Nisand.

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