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Exclusif / bonnes feuilles

Histoires d'IVG (3/3) : «Je ne connaissais pas l’histoire de ma tante»

En Pologne, en Argentine, mais aussi en France, l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) est au coeur de l'actualité. Pour les 46 ans de la loi Veil, les éditions Vuibert publient "Histoires d'IVG, histoires de femmes". Pourquoi docteur vous en dévoile les bonnes feuilles en exclusivité. 

Histoires d'IVG (3/3) : \ Daria Golubeva / istock.




L'histoire d'Anne

La psychologue rencontre Anne, une jeune fille de 16 ans enceinte et en délai dépassé pour la réalisation d’une IVG.

Anne n’est pas revenue consulter après l’annonce d’un test positif, son copain veut qu’elle poursuive la grossesse. Celui-ci a 27 ans et vient d’une famille de 11 enfants. Pour lui, un enfant de plus, malgré le chômage, ne pose pas de problème. Anne vient d’une famille très différente : c’est une jeune fille très timide, très protégée qui, contrairement à son jeune frère, a peiné dans sa scolarité, ce qui a exigé « qu’on soit beaucoup derrière elle ». Elle a fini par avouer sa grossesse à sa maman qui l’accompagne à la consultation. Celle-ci évoque au détour de l’entretien, le drame qu’a été l’histoire de sa propre soeur. Elle a eu au même âge que sa fille un enfant d’un homme de 30 ans qu’elle a dû élever seule. C’est l’hésitation de sa fille à faire un choix différent de son copain, qui lui fait repenser à cet événement familial.

« Je ne connaissais pas l’histoire de ma tante, dit Anne. On n’en a pas parlée. » Celle-ci était restée cachée comme un secret honteux dans la famille. Quand je fais le lien avec ce qui se vit aujourd’hui pour Anne, la mère dit ne pas comprendre : « C’est un truc de psychologue », dit-elle. Elle en reparlera avec sa soeur car elle-même était trop jeune à l’époque.

Anne fera son IVG à l’étranger accompagnée par ses parents. Quand je revois l’adolescente en post-IVG, elle ne parle toujours pas beaucoup. Sa maman me confie que le fait d’avoir parlé à sa soeur l’a aidée à comprendre que sa fille n’a pas fait exprès d’être enceinte. Elle me parle de son mari qui n’aimait déjà pas ce copain, mais qui l’a franchement pris en haine. Au surlendemain de l’intervention, alors qu’elle avait encore des saignements, il est venu la chercher en mobylette pour aller camper et se baigner au bord d’un lac. Le père d’Anne lui interdit de le revoir.

J’entends cette confidence comme le fait que le principe de réalité est souvent manquant chez l’adolescent, mais heureusement pas chez le parent. Je rencontre les parents sans l’adolescente. Son père est vraiment trop mal avec ce qui est arrivé à sa fille, il évoque lors de cette consultation sa souffrance d’avoir perdu ses parents, de s’être retrouvé orphelin à l’adolescence. Cette fille, leur premier enfant, représente pour lui toute sa famille. À la maison, il ne fait que pleurer et n’arrive plus à lui parler. Nous avons un long échange sur l’accompagnement de cette adolescente. Sa femme est très aidante.

Lorsque je revois Anne lors de la dernière consultation de contraception, elle est accompagnée de son copain. Elle est radieuse et me dit spontanément avoir pu reparler avec son père. Elle lui a dit qu’elle souhaitait décider elle-même si oui ou non ce copain est un garçon pour elle ! 

Pour en savoir plus, lisez : Histoires d'IVG, Histoires de femmes - Parce qu’il faut en parler et surtout les écouter, de Luisa Attali, Karima Bettahar, Elisabeth Guceve, Françoise Hurstel (Compilateur) et Israël Nisand (Préfacier).

Fiche de lecture : L'interruption volontaire de grossesse (IVG), légalisée en France en 1975, reste un droit à défendre parce qu'elle permet aux femmes de choisir et d'avorter de façon sécurisée. L'IVG est vécue différemment selon les femmes et peut représenter pour beaucoup un événement douloureux. C'est pourquoi l'IVG ne doit pas se réduire à un acte médical et doit être accompagnée par la parole : elle peut alors devenir un événement constructif dans la vie d'une femme. 
C'est ce que six professionnelles de santé - gynécologues, psychanalyste, psychologues et sage-femme - ont souhaité partager dans ce livre. Leur point de vue, forgé au cours de leurs années d'accompagnement des femmes et renforcé dans leur groupe de parole, est développé à travers le récit de 23 cas cliniques. Adolescentes ou mères, seules ou en couple, les femmes, face au choix de l'IVG, se confrontent à leur histoire, à celle de leurs parents ou de leur couple, aux silences et aux violences qui parfois la traversent. En un mot, elles se confrontent à elles-mêmes. Chaque histoire est singulière : c'est ce qu'ont voulu montrer les auteurs en s'appuyant sur leur pratique clinique, leur expérience de l'écoute et de la prévention. Ces récits révèlent ce qui peut aider les femmes ayant vécu une IVG à sortir grandies grâce à la parole. Ce livre se veut un outil pour tous les professionnels, qu'ils soient médecins, sages-femmes, psychologues, infirmières, assistants sociaux, afin qu'ils soient sensibilisés et formés à la bienveillance et aux échanges de groupe.
Il intéressera également toutes celles et ceux qui défendent les droits des femmes et notamment celui de choisir.

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