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Rapatriement des victimes du coronavirus: un spécialiste du transport sanitaire témoigne

Un quatrième avion de rapatriement de 28 ressortissants Français et 36 Européens a décollé vendredi du Wuhan (Chine), épicentre de la pandémie du coronavirus. Hervé Raffin, président de Médic'Air International, société de services d’aide médicale et d’évacuation aérienne de patients, détaille à Pourquoi Docteur le déroulement d'un tel rapatriement.

Rapatriement des victimes du coronavirus: un spécialiste du transport sanitaire témoigne Herbert Pictures/iStock




Le bilan de la pandémie du coronavirus est désormais de 2 247 morts, alors que plus de 76 000 personnes sont infectées. Ce vendredi matin, aux alentours de 11h, le quatrième vol rapatriant des Français de Chine a atterri à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle. Hervé Raffin, le président de Médic'Air International, société de services d’aide médicale et d’évacuation aérienne de patients, revient sur les conditions d'un rapatriement médical.

Comment s’est organisé le rapatriement des ressortissants Français ?

Ce sont des patients qui, jusqu’à preuve du contraire, ont été dans une zone d’exposition mais ne constituent pas de cas déclarés. L’objectif est de les extraire de la zone de contamination, donc la décision est plus politique que médicale. Il y a du avoir un accord entre les gouvernements à travers les consulats. Cela doit faire plusieurs jours qu’ils sont en contact pour voir qui étaient les volontaires au départ, où se trouvaient-ils, quel était leur bilan clinique. Ensuite, il a fallu organiser les vols et la quarantaine.

Pourquoi n’avez-vous pas été contacté ?

Ces personnes sont ce qu'on appelle des “patients contact”, c’est-à-dire qu'ils ont été en contact avec des populations infectées. Les seules précautions à prendre avec ce type de personne relève de la protection. Il n’y a pas, sauf preuve contraire, de cas déclaré qui aurait justifié notre intervention. Un avion plus classique a donc pu ramener ces personnes dans un principe de précaution pour les sortir d’une situation inconfortable.

Sur quel type de patients intervenez-vous ?

Nous intervenons généralement pour des cas médicaux graves. Nos interventions sont toutes uniques et dépendent de la gravité de l’état du patient. Nous devons à chaque fois faire le calcul bénéfice/risque. C’est moins une question du type de maladie que de son stade d’évolution. Nous avons des protocoles bien précis. Par exemple, nous avons rapatrié plusieurs patients atteints d’Ebola, mais nous refusons si ces derniers sont au dernier stade de la maladie. Il y a quelques années, nous avons refusé de rapatrier une femme au Maroc qui était sur le point d’avoir un accouchement prématuré. Le risque était alors plus important que le bénéfice, nous avons estimé que le mieux était qu’elle accouche sur place pour la rapatrier, avec son nouveau-né, après l’accouchement.

Comment s’organise un rapatriement ?

Il y a deux types d’interventions. Soit le patient est conscient et respire spontanément, dans ce cas-là nous l’installons dans une bulle d’isolement à pression négative à l’intérieur de l’avion avec la possibilité de fournir de l’oxygène si le patient en a besoin. L’autre cas est celui du transport de patients qui sont gravement malades et qui doivent être intubés et/ou ventilés. Nos avions sont équipés d’un système de ventilation en circuit fermé, ce qui permet de limiter les risques pour l’équipe qui est ainsi protégé dans les mêmes conditions qu’en service de réanimation dans un hôpital avec un masque, une double paire de gants et une visière. En revanche, les cas intermédiaires posent problèmes puisqu’il faut projeter l’évolution de leur maladie dans le temps.

Dans chaque avion, il y a entre deux et trois pilotes en fonction du trajet à effectuer. Nous ne prenons pas les familles pour limiter au maximum les personnes présentes. Ensuite, l’équipe médicale est constituée d’un médecin et d’un infirmier qui sont formés en permanence et aptes à intervenir à tout moment à travers le monde.

Nous ne pratiquons pas d’intervention chirurgicale dans l’avion mais nous avons de plus en plus de matériels de pointe sur la réanimation grâce à des laboratoires embarqués. Nous pouvons faire des analyses de sang, des échographies embarquées, des marqueurs de gravité comme l’atroponine pour l’infarctus, tester le taux de glycémie…

Comment êtes-vous alertés ?

Cela dépend, mais ce sont soit les compagnies d’assurance-assistance, des organisations humanitaires, un État ou même un employeur. Nous avons en permanence deux avions prêts à intervenir. En fonction du lieu d’intervention, il faut entre quelques heures et quelques jours pour opérer le rapatriement. Ce qui prend le plus de temps, ce sont les autorisations des États, notamment ceux que nous survolons, puisqu’ils demandent la pathologie du patient que l’on transporte depuis la crise Ebola en Afrique. C’est contraire au secret médical mais indispensable pour avoir les autorisations. Quand nous ramenions des patients atteints d’Ebola, nous passions par les Canaris et pas par les pays du nord de l’Afrique pour éviter ces problèmes.

Combien coûte un rapatriement et qui le paye ?

Plusieurs centaines de milliers d’euros. Pour la Chine par exemple, ça aurait coûté environ 180 000€ si nous avions dû rapatrier des patients. Cette somme est prise en charge soit par les compagnies d’assurance-assistance, soit par l’Etat, soit par l’employeur.

Comment devient-on médecin d’évacuation d’urgence ?

J’ai commencé à faire de la médecine extra-hospitalière avec le Samu. De fil en aiguille, j’ai travaillé avec des avions-ambulance. Je fais cela depuis 1986. Avec l’évolution de la technologie, nous sommes capables de ramener des patients qui ont des maladies de plus en plus grave, notamment les contagieux.

Quelle était votre dernière mission ?

Il y a un peu plus de deux mois, je suis intervenu au Sierra Leone pour rapatrier des patients atteints de la fièvre Lassa, qui est une fièvre hémorragique foudroyante. Il fallait le ramener en Europe de l’Ouest. J’ai été appelé par une ONG et je suis intervenu le lendemain. Le patient était simplement “contact” et donc pas encore contagieux, il n’y avait même pas besoin de le transporter dans une bulle. Une fois arrivé dans son pays, il a été placé en isolement et des tests biologiques ont permis de déterminer qu’il n’était pas positif au Lassa.

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