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QUESTION D'ACTU

Substances toxiques

Beauté des ongles : les employés du secteur courent de nombreux risques pour leur santé

D'après un rapport de l'INRS, la pose de vernis à ongles n'est pas sans risque car elle expose les manucures, et dans une moindre mesure les clients, à de nombreuses substances toxiques. 

Beauté des ongles : les employés du secteur courent de nombreux risques pour leur santé Zinkevych/iStock




Il faut souffrir pour être belle. Et se mettre en danger ? Si on savait déjà que les dentifrices et déodorants étaient riches en substances toxiques, que les gommage de pieds par les poissons faisaient courir des risques d’infection et que nombre de salons de bronzage ne respectaient pas les normes en vigueur pour prévenir leurs clients des risques potentiels de cancers de la peau, un rapport de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) incrimine aujourd’hui les salons de manucure, de plus en plus nombreux en France depuis une dizaine d’années. D’après les chercheurs, pose et dépose de vernis classiques, semi-permanents ou de faux ongles en gel ou résine exposerait les travailleurs, et dans une moindre mesure leurs clients, à des substances particulièrement toxiques. Ils ont profité du Beauty Forum qui s’est tenu au Palais des Congrès de Paris (Porte Maillot) le 7 octobre pour mettre en garde les professionnels du secteur, composé à 97% de femmes dont les ¾ ont moins de trente ans. 

De simples masques en papier

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont participé à une "expertise nationale". L’AFP a participé à l’enquête et s’est rendue dans trois salons de manucure à Paris. Parmi eux, un seul disposait d’une table aspirante et tous ne proposaient que des minces masques en papier à leurs employés. "Il faut impérativement porter des masques à cartouches, mais les esthéticiennes craignent que leur aspect (les filtres ont l'aspect de gros yeux de mouche) fasse peur aux clientes", explique Nicolas Bertrand, expert à l’INRS. 

A terme, les scientifiques ont identifié près de 700 substances dans la composition des produits utilisés ou dans les atmosphères de travail dont une soixantaine "très préoccupantes". Certaines d'entre elles présentes dans les résines, colles, dissolvants et vernis utilisés par les prothésistes ongulaires peuvent mener à des réactions allergiques cutanées et/ou respiratoires.

Ces dernières sont à l'origine de 75 % des pathologies professionnelles diagnostiquées dans ce secteur. "La plus courante, la dermatite allergique de contact, entraîne une inflammation de la peau qui peut conduire à l'arrêt du travail", note Sophie Robert, expert d’assistance conseil en risque chimique à l’INRS. "C'est un secteur très innovant, avec de nouvelles techniques comme l'impression 3D (la cliente glisse le doigt, sur lequel a été posé une pellicule plastifiée, dans une imprimante 3D pour imprimer un motif), il faut constamment mesurer les effets", renchérit par ailleurs Nicolas Bertrand.

Des fiches pratiques à l’intention des salons

Et si les produits sont bien régis par une législation européenne, celle-ci ne serait "pas toujours aussi efficace qu’on le souhaiterait"Les acrylates ont beau être considérés comme dangereux, ils sont toujours autorisés, par exemple. Qui plus est, dans le secteur des ongles, en pleine expansion en France, beaucoup de salariés exercent de façon non réglementée, de plus en plus travaillant chez eux, sans le déclarer. "On assiste à une ‘"plateformisation" du métier, avec la mise en relation directe de clientes et de professionnelles indépendantes", déclare Nicolas Bertrand.

Des fiches techniques à l'attention des salons

C’est pourquoi, afin d’encadrer un peu plus cette pratique "grise", l’INRS a instauré des fiches techniques à l’attention des salons pour le bien-être des employés et des clients. Ces dernières préconisent des produits plus sûrs, l’utilisation de tables aspirantes, une bonne ventilation des lieux, le port de gants et de masques avec des cartouches de filtration pour la pose des résines et gels acryliques (vernis semi-permanents). 

Enfin, pour aider les professionnels à identifier et évaluer les différents risques, les chercheurs ont mis au point un logiciel en ligne du nom d’Oira "Soin et prothésie ongulaire". Celui-ci "détaille les risques les plus fréquemment rencontrés dans ces activités et propose des solutions prévention" pour "facilite le travail du chef d’entreprise qui a très peu de temps à accorder à la prévention".

A terme, "l’objectif est de faire bouger les lignes avec les fabricants de cosmétiques pour qu’ils s’engagent sur des produits plus sûrs. Ils ont déjà mobilisés sur ces sujets, d’autant que les évolutions des attentes des consommateurs exercent une forme de pression positive", conclut Régine Ferrère, présidente de la CNEP, la Confédération nationale de l'esthétique parfumerie, qui recense 9 000 entreprises d'embellissement cils/ongles, soit 15 000 salariés en France. Et de rappeler que les clients courent eux-aussi des risques, notamment quand ils achètent sur Internet des produits professionnels pour se faire les ongles eux-mêmes.

Des messages préventifs traduits en plusieurs langues

Aux Etats-Unis, d’où vient cette mode de l’ongle, les consignes sont très strictes, notamment concernant le port du masque et la table aspirante, avec des messages en plusieurs langues à l’adresse des communautés asiatiques, russe et mexicaine, dont font souvent partie les salariés des salons.

En France, où beaucoup d’esthéticiennes sont d’origine vietnamienne et chinoise, l’INRS prévoit désormais de diffuser, via les associations communautaires, des messages traduits dans différentes langues à partir de 2020. 

Outre les risques du métier liés aux substances toxiques, les gestes répétitifs, les postures de travail assises prolongées, contraignantes et les vibrations d’outils, utilisés par exemple pour le polissage de l’ongle, peuvent conduire à des troubles musculosquelettiques (TMS). Enfin, la plupart des accidents du travail dans ce secteur sont causés par des chutes (46 %) et de la manutention (38 %), révèle également le rapport de l’INRS.

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