Prenez une brebis vierge. Mettez-la dans un troupeau. Elle ne s’intéresse qu’à elle. Vous lui injectez une seringue d’ocytocine, son comportement change du tout au tout : elle ne cesse de rassembler les agneaux pour les protéger. Ce miracle est dû à une hormone, l’ocytocine, que les spécialistes du cerveau appellent aussi l’hormone de l’attachement. Elle est surtout sécrétée au moment de l’accouchement, en particulier par le fœtus, qui, par ce mécanisme, prévient qu’il désire sortir : c’est l’enfant qui déclenche l’accouchement et non pas une sorte d’effet de calendrier ou une durée standard. La sécrétion se poursuit tout au long de l’allaitement.

Alors que le congrès d’addictologie se poursuit à Lisbonne, il est intéressant de revenir sur un ouvrage étonnant, « La chimie des sentiments » (éditions Jean-Claude Gawsewitch) du Pr Bernard Sablonnière, biochimiste à la faculté de médecine de Lille, qui donne un aperçu sur des substances naturelles que l’organisme secrète comme la peu connue ocytocine et qui pourrait se rapprocher d’une drogue par les effets qu’elle procure.

L’hormone des couples qui durent

Grâce à l’ocytocine, la femme est attachée « chimiquement » à son bébé, contrairement au père qui ne possède pas les mêmes capacités de sécrétion, ce qui éclaire en partie les différences entre la motivation « psychologique » des deux parents. Mais pas d’excuse pour autant pour le père, il n’est pas en reste, car il possède sa propre production d’ocytocine, certes moins importante que celle de la femme, mais suffisante pour comprendre le phénomène de la durée exceptionnelle de certains couples. Ne cherchez pas le secret des noces de chêne (80 ans de mariage) ailleurs que dans la production régulière de cette hormone, qui n’est pas la résultante d’une quelconque stimulation sexuelle, mais de la tendresse des caresses. L’ocytocine et la dopamine, messagers chimiques de l’envie de sexe, d’argent et de pouvoir, sont les deux stars de notre cerveau.