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Ethique

Recherche animale : jusqu’où peut-on aller pour améliorer la santé humaine ?

La société attend de la science d’être soignée au mieux, mais elle s’interroge aussi sur les moyens ; une question qui taraude également les scientifiques. De fait, a-t-on le droit de sacrifier des animaux à la santé de l’Homme ?

Recherche animale : jusqu’où peut-on aller pour améliorer la santé humaine ? vkovalcik/Pix5




  Dossier réalisé en partenariat
avec 
Science&Santé
le magazine de l'

Malgré un encadrement légal strict, d’indéniables avancées médicales et le manque de méthodes alternatives 100 % efficaces, il est logique de s’interroger sur la légitimité ou pas de sacrifier des animaux pour la santé de l’Homme. « Et l’interrogation est légitime, assure Thierry Galli. Chacun pouvant avoir un avis en son âme et conscience. »

Or, se poser cette question, c’est se demander avant tout si l’Homme est supérieur à l’animal. « Non ! » répondent, formels, le neurobiologiste et philosophe Georges Chapouthier et François Moutou, vétérinaire, zoologiste et membre du comité d’éthique de l’Inserm. « Aucune espèce n’est supérieure à une autre. Par exemple, les plantes s’adaptent beaucoup mieux que nous à l’environnement », explique Georges Chapouthier. En outre, « cette notion de supériorité ne veut rien dire. Nous partageons un ancêtre commun et il existe une unicité du monde vivant. Et ce n’est pas parce que l’Homme est le seul capable de faire des mots croisés qu’il est supérieur », complète François Moutou. En revanche, l’absence de supériorité ne signifie pas que les rapports entre espèces sont exempts de liens de domination. « Dans son évolution, l’Homme s’est construit au travers d’interactions avec les animaux », rappelle Thierry Galli. En outre, « certains animaux en mangent d’autres. Les parasites se développent au détriment de leur hôte. Et par le passé, l’Homme chassait pour se nourrir. La vie est ainsi faite, illustre le zoologiste. Aujourd’hui, pour développer des traitements, l’Homme fait appel aux animaux ». De fait, « si la morale voudrait que l’on se passe de l’expérimentation animale, la recherche scientifique et médicale en a besoin », reconnaît Georges Chapouthier.

 

" La prise en charge de la douleur est récente "

En revanche, pour tous, pas question de transiger avec la souffrance. « La meilleure souffrance est celle qui n’existe pas, assure François Moutou. Or, notre société n’est pas très bonne en la matière, et pas que pour les animaux. En effet, il subsiste un fond de religion, à savoir qu’il faut toujours souffrir un peu… De fait, la prise en charge de la douleur est récente et il faut se souvenir que pendant longtemps, on a pensé que les bébés, sous prétexte qu’ils ne parlaient pas, ne souffraient pas. » Plus précisément, pour Georges Chapouthier, « il faut distinguer trois notions : la nociception qui est la capacité d’éviter ce qui est nocif pour l'organisme, la douleur qui se manifeste quand la nociception s’accompagne d’émotions et, enfin, la souffrance lorsqu’on a conscience de cette douleur. Il est donc nécessaire de définir où émerge la conscience. Or, s’il est admis que les vertébrés et les céphalopodes sont des êtres conscients, il reste un doute pour les invertébrés qui ne sont donc pas protégés par la loi française. D’où la nécessité, pour mieux évaluer la notion de conscience et donc de souffrance, de retourner vers les scientifiques ».

Une nécessité de s'inscrire dans l'intérêt général

Enfin, si l’Homme n’a pas de droit sur les autres espèces et si la majorité d’entre elles peuvent souffrir, existe-t-il une expérimentation animale humainement acceptable ? « Oui, mais il faut que la société continue à être vigilante afin que l’expérimentation soitrigoureuse, qu’on lève les ambigüités sur la conscience de toutes les espèces, que l’on fasse des efforts pour la réhabilitation des animaux et qu’il y ait de vrais investissements dans les méthodes alternatives, souligne Georges Chapouthier. Il nous faut admettre qu’aujourd’hui, il y a une côte mal taillée entre le droit de l’animal et le droit de l’Homme à améliorer sa médecine et sa santé. » Pour François Moutou, « la directive européenne a considérablement amélioré les choses, mais pour être acceptable, l’expérimentation animale doit continuer à s’inscrire dans l’intérêt général et la plus grande transparence. Quant à la société, elle doit aussi admettre que si elle veut vivre en bonne santé plus longtemps, l’expérimentation animale est encore nécessaire et que les scientifiques qui l’utilisent sont les premiers défenseurs de la cause animale. »

Accepter sans y être favorable

De fait, s’interroger sur la légitimité de l’expérimentation animale ne se limite pas à être pour ou contre. On peut l’accepter sans y être favorable. Le débat est donc loin d’être clos. Un débat auquel contribuera, sans nul doute, la conférence que la Commission européenne va organiser à la fin de l’année. Son objectif : examiner comment exploiter les progrès scientifiques pour mettre au point des méthodes d’expérimentation non animales mais valables sur le plan scientifique. Une étape de réflexion indispensable avant la révision de la directive européenne programmée pour 2017.

 

Françoise Dupuy Maury
Science&Santé, le magazine de l'Inserm

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