- Des chercheurs français viennent de démontrer que trois polluants aériens – le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (PM2,5 et PM10) – ont un impact sur la méthylation de l’ADN placentaire.
- Cet impact n'est pas le même chez les filles et les garçons.
- "De prochaines études pourront investiguer si les changements épigénétiques placentaires causés par l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse persistent après l’accouchement et comment ils pourraient influencer le développement durant l’enfance", estime l'autrice de l'étude.
La pollution atmosphérique fait du mal aux bébés in utéro, selon une nouvelle recherche française publiée dans The Lancet.
Trois polluants aériens ont un impact sur la méthylation de l’ADN placentaire
Une équipe de recherche menée par Johanna Lepeule, chercheuse Inserm au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), s’est intéressée à l’impact de trois polluants aériens – le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (PM2,5 et PM10) – sur la méthylation de l’ADN placentaire. Grâce aux données de trois cohortes mère-enfant françaises, elle a pu comparer l’exposition à ces polluants et les niveaux de méthylation chez plus de 1.500 participantes pendant leur grossesse.
Les résultats montrent un impact significatif de l’exposition aux trois polluants aériens sur les niveaux de méthylation de l’ADN placentaire concernant des gènes impliqués dans le développement fœtal. Un tiers de ces modifications étaient directement associées avec des indicateurs du développement de l’enfant (poids et taille de naissance, périmètre crânien, durée de la grossesse…).
D’autres modifications placentaires concernaient des gènes impliqués dans le développement du système nerveux, du système immunitaire et du métabolisme (diabète néonatal ou obésité).
Pollution de l'air : un impact différent sur les filles et les garçons
Si ces altérations de la méthylation sont présentes chez les deux sexes, les scientifiques ont également pu mettre en évidence des modifications ayant un impact additionnel et touchant des gènes différents en fonction du sexe de l’enfant à naître. Deux périodes de gestation différentes particulièrement vulnérables aux modifications épigénétiques sous l’effet des polluants émergent dans ces travaux : le début de la grossesse (1er trimestre) chez les garçons et la fin de la grossesse (3e trimestre) chez les filles.
"Nos résultats montrent que l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse induirait des modifications de la méthylation de l’ADN placentaire propres à chacun des deux sexes", indique Johanna Lepeule. "Cet impact différencié pourrait contribuer à des altérations du développement et du déroulement de la grossesse différentes en fonction du sexe de l’enfant à naître", poursuit la scientifique.
Ainsi, chez les garçons ont été détectées des altérations significatives de la méthylation au niveau de gènes impliqués de façon critique dans le développement du système nerveux et de l’intellect.
"Ces observations viennent appuyer les études de plus en plus nombreuses à associer l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse avec une atteinte du neurodéveloppement et/ou une réduction des capacités cognitives", précise Lucile Broséus, chercheuse Inserm et co-autrice de la publication.
Chez les filles, les méthylations touchaient des gènes impliqués dans le développement fœtal et la régulation du stress oxydatif. Elles pourraient ainsi être associées à des défauts de développement susceptibles d’augmenter les risques de contracter des maladies chroniques métaboliques (hypertension, diabète, obésité…) plus tard dans la vie, mais aussi à la survenue de fausses-couches ou de pré-éclampsies chez la mère.
Pollution de l'air et placenta : de nouvelles recherches envisagées
"Ces travaux fournissent donc de nouvelles données concernant les mécanismes épigénétiques impliqués dans la dérégulation de la croissance fœtale sous l’effet de la pollution de l’air et qui pourraient être à l’origine de modifications à long terme du métabolisme", termine l’Inserm dans un communiqué de presse.
"De prochaines études pourront investiguer si les changements épigénétiques placentaires causés par l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse persistent après l’accouchement et comment ils pourraient influencer le développement durant l’enfance", complète Johanna Lepeule. "En outre, ce travail de recherche ayant été réalisé sur des cohortes françaises, ses résultats devront être vérifiés dans des populations d’autres régions géographiques et avec des profils génétiques différents", conclut la chercheuse.