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Gynécologie

Fausse couche : la prise en charge psychologique ne doit pas être négligée !

À l’occasion du congrès GYNFOCH organisé par le service de Gynécologie Obstétrique Médecine de la Reproduction de l'hôpital Foch, Léa Karpel, psychologue clinicienne a pu sensibiliser l’auditoire à la prise en charge psychologique de la fausse couche.

Fausse couche : la prise en charge psychologique ne doit pas être négligée ! kasto80/ISTOCK




L'ESSENTIEL
  • Depuis le 1er janvier 2024, les femmes ayant subi une fausse couche peuvent bénéficier d'un arrêt de travail.
  • Une partie des fausses couches sont traumatiques et peuvent conduire à un stress post-traumatique si cela s'est passé devant les enfants ou en ayant eu la peur de mourir par exemple.
  • L'importance d'une aide psychologique après un tel évènement doit être une des priorités du parcours de soins.

La psychologue Léa Karpel commence son discours sur les différentes cultures où la fausse couche n’est pas taboue, en citant en exemples les rites japonais lorsqu’une femme subit une fausse couche (les “Mizuko Kuyo”), les coutumes tchadiennes ou encore les traditions berbères du Haut-Atlas marocain. 

“Il est des cultures où l’on efface et des cultures où au contraire on donne une existence au bébé”, déclare-t-elle. 

 “Il faut oser dire aux parents que le bébé n’a plus d’activité cardiaque, que le cœur ne bat plus”

Son public étant majoritairement composé de médecins et d’internes en médecine, Léa Karpel a donc pu exposer de la façon la plus didactique possible son propos : 

Avant de parler spécifiquement d’une prise en charge psychologique, il y a une prise en charge médicale. Une prise en charge c’est tout d’abord un lieu dédié, il faut éviter d’accueillir ces patients qui attendent pendant des heures dans les urgences de la maternité comme une femme qui va accoucher d’un bébé vivant.”

“Il faut également essayer de former des soignants dédiés à cette activité, les former à la psychologie et aux soins spécifiques de l’arrêt de grossesse. C’est aussi des mots que l’on apprend à éviter, on ne parle pas d’embryon ou de fœtus, les couples portent un bébé. Que ce bébé fasse 10 millimètres ou 20 cm ça ne lui enlève pas sa qualité de bébé dans la psyché des parents. Il faut oser dire aux parents que le bébé n’a plus d’activité cardiaque, que le cœur ne bat plus. 

Elle conseille également aux professionnels de santé d'éviter tous les termes faisant référence à des objets de manière péjorative. "Essayez d’éviter le terme “expulsion”, c’est terrible ! C’est une connotation très péjorative. Évitez le mot “aspiration” qui fait largement penser à un aspirateur. On a du mal à imaginer un bébé qui passe dans un aspirateur.” L'expression "produit de fausse couche" est également à éviter auprès des patientes et conjoint·e.

Autre élément essentiel : ne pas négliger l’importance du couple, du duo, des deux parents dans cette épreuve. “Il y a des hommes à l’échographie qui restent derrière la porte, en salle d’attente ou sur le parking en attendant. Ce n’est pas normal que pour une échographie les deux membres du couple ne soient pas là et qu’on ne fasse pas la même annonce aux deux membres en même temps, de la même façon", insiste-t-elle.

“Dites-vous que vous vous adressez à un couple qui vient de perdre un bébé”

La psychologue est formelle sur un autre point, il ne faut pas banaliser la perte : “S’il vous plait, dites-vous que vous vous adressez à un couple qui vient de perdre un bébé. C’est tout. Tout ce que vous ferez, tout ce que vous direz, si vous avez cette conscience, se passera très bien. Les parents comprendront que vous respectez le fait qu’ils ont déjà de l’affection pour ce bébé in-utéro.” 

Il y a souvent de la sidération de la part des parents lors de l’annonce. À ce sujet, la spécialiste en périnatalité convainc par ses mots :  “Vous prononcez le mot de la fin, puis vous continuez à expliquer les choses aux patients sauf que les patients ne vous suivent plus. Vous savez, ils regardent vos lèvres bouger mais ne vous entendent plus. C’est un moment de sidération et vous n’êtes pas obligé de remplir le vide par des mots. Vous pouvez aussi laisser pleurer le couple quelques minutes cela ne va pas changer votre vie et vous leur expliquerez les suites dans un 2ème temps.

Cela va de sens, normalement, qu’un médecin “ne peut pas renvoyer une femme à domicile avec un traitement sans lui expliquer les suites, l’hémorragie possible, les douleurs terribles qu’elle va vivre, sans que le couple ne se soit préparé (avoir de l’aide, mettre les ainés chez les grands-parents...).

Tous les couples n’auront pas besoin de voir une psychologue après un arrêt naturel de grossesse, mais il y a tout de même “30 % des femmes” qui ressentent une détresse psychologique avec “anxiété et dépression encore dans les 3 mois suivant l’arrêt de grossesse”, dont “8 % avec détresse profonde”. 

Cet enfant à naitre est idéalisé parce qu'il représente la réussite parentale

Et pour cause, la psychologue rappelle que “cet enfant à naitre est idéalisé parce qu'il représente la réussite parentale. Il est la preuve de la puissance virile et de la puissance féminine reconnue dans cette grossesse qui débute.

Elle termine son discours par un texte ne laissant personne indifférent : “Les femmes ont tendance à ne plus investir le bébé à la grossesse suivante, et parfois jusqu’à l’accouchement ! Elles se demandent si ces bébés qui meurent sont-ils le fruit de l’amour ou le fruit de la haine ? C’est leur féminité que l’on assassine, c’est la plus belle part d’elle-même qu’on assassine en quelque sorte. Et cela sacrifie la mère en elle. La fausse couche dans ces cas-là, c’est la fausse mère dont la couche conjugale est salie de son sang mortifère. C’est à nous, soignants, de prendre soin d’elles et de méditer sur leurs états psychiques.



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