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Interview de la semaine

«La myasthénie peut se manifester à tout âge, de la naissance à 90 ans!»

La myasthénie auto-immune a un impact considérable sur la vie sociale et familiale des patients. Alors que vient de se tenir la première Journée Européenne qui lui est consacrée, les éclairages sur cette maladie avec le Dr Saskia Bresch, neurologue.

\ iStock/Md Babul Hosen




- Pourquoi Docteur : La première Journée Européenne de la Myasthénie auto-immune vient de se tenir. Qu’est-ce que cette maladie ?

Dr Saskia Bresch : La myasthénie généralisée c’est une maladie auto-immune, c’est à dire que le système immunitaire du patient fabrique des anticorps qui vont se mettre au niveau de la jonction entre les nerfs et les muscles en empêchant leur bonne communication et cela entraîne une fatigabilité musculaire.

- Quels en sont les symptômes ?

Il y a plusieurs symptômes qui peuvent apparaître selon les différents types de myasthénie auto-immune. Il y a les formes purement oculaires qui se traduisent par une chute de la paupière que l’on appelle un ptosis et une vision double qui fluctue. Et puis il y a les myasthénies auto-immunes généralisées qui peuvent atteindre d’autres muscles. Ce sont des muscles que l’on appelle « volontaires », c’est-à-dire que le patient commande lui-même. Là il y a une fatigabilité au niveau des bras, des jambes et il peut y avoir aussi une atteinte respiratoire ou une atteinte de la déglutition qui sont deux signes de gravité. Dans cette myasthénie généralisée on retrouve bien sûr les problèmes oculaires, également des difficultés à mâcher ou à articuler et des modifications de la voix.

- Elle concerne combien de personnes en France ?

La prévalence de ces maladies est assez mal connue en France, comme pour beaucoup de maladies rares. Mais la forme oculaire est une des formes les plus fréquentes par rapport à la forme généralisée.

- A quel moment de la vie la myasthénie peut-elle apparaître ?

Il faut savoir que la myasthénie peut se manifester à tout âge, de la naissance à 90 ans ! Mais il y a des piques de fréquence vers 30 ou 40 ans et ensuite vers 60 ans. Et cette maladie est souvent sous-diagnostiquée parce que c’est vraiment sur les dires du patient qu’il faut faire le diagnostic. Lorsqu’on l’examine, il n’y a pas grand-chose surtout quand c’est une fatigabilité à l’effort que l’on ne voit pas en consultation.

Mais les deux signes de gravité que le patient doit connaître, ce sont les difficultés à respirer qui peuvent déboucher sur une insuffisance respiratoire sévère et les difficultés à avaler qui peuvent entraîner des fausses-routes. En présence de ces symptômes, il doit aller directement aux urgences.

- Que sait-on des causes de la maladie ?

On ne connait pas exactement les causes de cette maladie. En fait on ne sait pas d’où cela vient. Souvent les patients ont eu une infection ou une vaccination qui stimulent le système immunitaire, ont subi une intervention chirurgicale ou ont connu un gros stress. Mais ce ne sont que des facteurs déclenchants, la myasthénie était déjà là à la base. Cette maladie peut être là de manière sous-jacente depuis des années et après un événement comme ceux que nous venons d’évoquer, les symptômes apparaissent.

- Y a-t-il un risque d’errance diagnostique pour les patients qui ont des symptômes ?

C’est une maladie sur laquelle il y a encore malheureusement une grosse errance diagnostique. Dans la forme oculaire qui se manifeste par le ptosis, on voit des patients qui se font opérer une ou plusieurs fois en pensant que c’est une paupière qui chute avec l’âge et que le fait d’opérer va améliorer les choses. Mais dans la myasthénie, vu que c’est une fatigabilité musculaire, cela va revenir. Quand le patient a une diplopie, c’est-à-dire une vision double, là l’errance est un peu moins fréquente. Pour les formes généralisées, il y a beaucoup de patients qui ne sont pas diagnostiqués parce que malgré les récits de fatigue, lorsque le médecin examine, il n’y a pratiquement pas de signe clinique. Soit on pense plutôt à une fibromyalgie, soit on met leur fatigue sur le dos d’une forme de paresse ! Il m’est arrivé de voir des patients 5 à 10 ans après le début de leurs symptômes, et ils ont vu entre temps de nombreux médecins, y compris des psychiatres parce qu’on leur avait dit que c’était dans leur tête.

- A partir de quoi le diagnostic est-il posé ?

Pour faire le diagnostic, c’est de toute façon compliqué parce que tous les examens para-cliniques peuvent revenir négatifs alors que le patient a vraiment la myasthénie. Donc nous sommes souvent face à un diagnostic basé essentiellement sur l’interrogatoire.

Il y a deux grands tests que l’on fait pour le diagnostic. Il y a les anticorps à partir d’une prise de sang mais le taux qui identifie la maladie n’est présent que dans un pourcentage infime des cas. Le second, c’est l’électro-myogramme et il est aussi peu sensible et lorsqu’il est normal cela n’élimine pas la possibilité d’une myasthénie.

- Comment évoluent les différentes formes de la maladie ?

Pour la myasthénie oculaire on n’en parle qu’au bout des deux premières années parce que l’on sait que dans ce délai elle peut se transformer en myasthénie généralisée. Dans les formes généralisées, c’est très variable. La maladie peut s’aggraver chez certains patients en un ou deux mois et ils finissent en réanimation -la maladie peut en effet être très sévère et aller jusqu’au décès. Et puis pour d’autres, on voit s’installer une maladie un peu chronique mais sans risque de se retrouver en réanimation. Mais on a du mal à déterminer les facteurs pronostics. De toute façon, c’est une maladie que l’on a à vie et même si l’on parvient à améliorer les patients grâce à nos traitements, il faudra toujours surveiller d’éventuelles aggravations.

- Quels sont les traitements de la myasthénie ?

Pour améliorer la situation des patients, il y a trois catégories de traitements. Il y a les traitements pour les symptômes et notamment des médicaments qui sont là pour redonner du carburant aux muscles. Ensuite on a les traitements de crise et surtout lorsque celle-ci est très sévère et qu’il y a un risque vital, on utilise soit des immunoglobulines soit des échanges plasmatiques qui sont des produits qui épurent le sang des anticorps responsables de la maladie. Cela marche bien sur le moment mais l’aggravation peut revenir au bout d’un mois. Et puis nous avons la troisième catégorie, les traitements immunosuppresseurs au long cours qui attaquent la maladie à la base en tuant les globules blancs qui fabriquent les anticorps. Mais ils augmentent les risques infectieux

- Quel peut être l’impact de cette maladie sur d’autres problèmes de santé ?

Le vrai sujet, c’est qu'il y a beaucoup de médicaments contre-indiqués qui risquent de re-déclencher une crise de myasthénie, comme les anxiolytiques, beaucoup d’antibiotiques et les bêta-bloquants. Quand on annonce un diagnostic de myasthénie au patient, on lui remet une carte qui contient la liste des contre-indications qu’il doit montrer dès qu’il consulte un médecin ou un pharmacien. C’est très important qu’il comprenne qu’il est lui-même le garde-fou parce que de nombreux médecins généralistes ne connaissent pas la myasthénie et ne savent pas à quel point certains prescriptions peuvent être dangereuses.

- Comment se déroule le suivi des patients ?

C’est un suivi qui est fait par un neurologue et nous avons des centres de référence partout en France avec des neurologues spécialisés. Pour une personne qui va bien, ce suivi peut être tous les trois à six mois, mais en début de maladie on peut être amené à consulter toutes les semaines.

- Peut-on considérer la myasthénie auto-immune comme une maladie handicapante ?

Cette maladie a un énorme impact sur la qualité de vie. Ce sont des symptômes qui s’aggravent à l’effort, donc plus les patients vont vouloir faire des choses, plus ils seront fatigués. S’ils ne sont pas correctement pris en charge, et même parfois malgré les traitements, cette fatigabilité fait que beaucoup sont obligés de s’arrêter de travailler, ont du mal à gérer leur quotidien. Ils sont épuisés, ils ont une chape de plomb en permanence et parfois c’est aussi très douloureux.

 

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