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QUESTION D'ACTU

Adeline Hazan

Prison de Fresnes : «Le risque d'épidémie est réel»

ENTRETIEN - La Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté revient sur le rapport et les recommandations d'urgence émis après une mission à la prison de Fresnes.

Prison de Fresnes : \ Espaces extérieurs, Fresnes. Crédit : JC Hanché / CGLPL




« Les rats évoluent en masse au pied des bâtiments, dans les cours de promenade et aux abords des bâtiments tout au long de la journée. Ils ne s'effraient pas de la présence d'êtres humains ; on ne peut éviter de piétiner leurs excréments ; ils sont présents jusque dans la cour d'honneur de l'établissement. L'odeur persistante de leur pelage, de leurs excréments et de leurs cadavres, s'ajoute à celle des amas d'ordures qui jonchent le pied des bâtiments ».

Le tableau n’a déjà rien de réjouissant ; et pourtant, il ne dépeint qu’une petite partie des atteintes aux droits fondamentaux observées par les douze contrôleurs envoyés à la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne). Une mission qui a donné lieu à un rapport apocalyptique sur les conditions d’incarcération dans cette prison, assorti de recommandations d’urgence. Adeline Hazan, Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) revient sur cette mission et sur les enjeux des recommandations.

 

Avez-vous été vraiment surprise par ce que vous avez vu à Fresnes ?

Adeline Hazan : Oui, parce qu’une équipe avait effectué un contrôle en 2012, et ce qu’elle avait alors repéré n’a pas de commune mesure avec ce que nous avons constaté en 2016. Elle évoquait des troubles assez classiques, une prison généralement dégradée, des cellules surpeuplées. Mais en quatre ans, la situation s’est énormément dégradée, matériellement mais aussi dans le climat de tensions et de violences. Fresnes a toujours été considéré comme un établissement sévère, du fait de sa taille et du profil assez lourd de certains détenus. Mais ce n’était jamais allé au-delà.

La surpopulation carcérale, le manque d’effectifs parmi le personnel, la multiplication des conflits… Tout cela fait qu’il existe un climat de tension permanent. Les propos tendant à l’insulte sont devenus très fréquents de la part des surveillants. L’usage de la force, qui peut parfois être nécessaire, est totalement banalisé. Cela a été confirmé par les détenus, bien sûr, mais aussi par les psychologues et les psychiatres de la prison. La situation carcérale française est en soi très alarmante (surpopulation de 140 % en moyenne) mais Fresnes représente vraiment ce qui se fait de pire en France.


Vous soulevez un risque épidémique dans la prison...

Adeline Hazan : Il y a une profusion de rats et de punaises qui rendent les conditions d’hygiène déplorables et dangereuses. Par ailleurs, il y a de la moisissure au mur et dans les couloirs ; le parloir est dans un état indigne, alors qu’il reçoit des familles, dont des enfants. Le risque est réel, pour les détenus comme pour les surveillants. Les rats transmettent la leptospirose, une bactérie qui peut être mortelle. Dans l’année, il y a eu deux ou trois cas de personnes infectées par la leptospirose. Elles ont été soignées, heureusement, il n’y a pas eu de décès.

Par ailleurs, l’accès aux soins pose réellement problème. Plus l’établissement est surpeuplé, moins les détenus ont accès aux soins, puisque le nombre de personnels soignants est calculé sur la base de l’effectif théorique et non réel. Quand il y a deux fois plus de détenus que de places, forcément, il y a deux fois moins de possibilité d’accès aux soins. Les délais d’attente sont énormes, notamment chez les spécialistes (jusqu’à un an d’attente). Les consultations se font à la va-vite. La loi de 2009 stipule pourtant que les détenus doivent être soignés dans les mêmes conditions que les personnes en liberté. Autant dire qu’on en est loin.


Qu’apportent les recommandations d’urgence, en termes d’action publique ?

Adeline Hazan : D’habitude, quand on fait un rapport et que l’on observe une atteinte aux droits fondamentaux, on l’envoie au ministre ; tout cela prend un an. Les recommandations d’urgence sont très rares, elles se réfèrent à des atteintes extrêmement graves. Alors, on ne fait pas un rapport d’ensemble sur l’établissement (nous le ferons plus tard) mais on signale les points les plus urgents et le ministère a un délai de trois semaines pour fournir une réponse.

Les réponses qui nous ont été apportées sont largement insuffisantes, vagues et convenues. Elles ne permettent pas de répondre au problème. Pourtant, nous demandons dans un premier temps des choses simples : que les cellules individuelles de 10m2 n’abritent plus trois personnes, par exemple. On ne réclame pas de passer de 4 000 à 2 000 détenus ! Mais là-dessus, le ministère ne répond pas.

Nous faisons 150 visites par an, donc 150 rapports annuels, mais les recommandations d’urgence demeurent exceptionnelles et nous ne les banalisons pas : depuis ma prise de mandat, c’est la troisième. Même si nous n’avons pas de pouvoir d’injonction, le fait d’utiliser cette procédure alerte à la fois le garde des Sceaux et l’opinion. Elle a beaucoup plus de chances d’aboutir qu’un simple rapport.

 

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