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Encadrement, régulation

Cannabis : Terra Nova présente son modèle pour légaliser

Dans un nouveau rapport, le think tank propose un modèle pour légaliser le cannabis en France, suivant une double logique sanitaire et économique.

Cannabis : Terra Nova présente son modèle pour légaliser Kesu01/epictura




Ils sont chercheurs, économistes, globalement spécialisés dans la santé, spécifiquement dans l’addiction. Ce mardi matin, ils présentaient à la presse leur dernière étude sur le modèle idéal de légalisation du cannabis en France.

Christian Ben Lakhdar siège au Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) ; Jean-Michel Costes, quant à lui, a fondé l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT). Ils le savent : leur rapport n’aura pas plus d’impact politique que le précédent, que les législateurs se sont empressés de ne pas commenter. Mais au nom de la recherche, de la science et de la santé, il fallait le rédiger. « Nous devons anticiper le modèle avant qu’il ne s’impose à nous », expliquent-ils.

A tâtons

Car il finira bien par s’imposer. Après plusieurs Etats américains, ce sera bientôt au tour du Canada de franchir le pas de la légalisation du cannabis. La guerre contre les drogues a vécu en prouvant son inefficacité. « On dénombre une hausse de 17 % des usagers quotidiens entre 2010 et 2014 en France », rappellent les auteurs. L’heure est donc au pragmatisme et à l’expérimentation de législations plus permissives.

Mais encore faut-il choisir le bon modèle. Celui qui ne fera pas exploser la demande, qui permettra d’encadrer les consommations sans les encourager. Celui qui ne produira pas de lobbies, d’agglomérats d’influenceurs qui concentrent les pouvoirs, entravent l’action publique et empoisonnent les gouvernements en les empêchant de légiférer - à l’image de l’industrie du tabac et de l’alcool.

Ecoutez...
Jean-Michel Costes, auteur du rapport : « Les mentalités vont évoluer  mais la France prend du retard. Il faut légaliser le cannabis pour maîtriser la situation, ne pas la subir comme on l’a fait pour l’alcool et le tabac 

C’est donc l’objet de ce nouveau rapport Terra Nova : la recherche du bon modèle, du moindre mal. Loin de la pensée soixante-huitarde, il s’agit de prévenir les consommations et les dégâts associés, de retarder l’âge du premier pétard, rappellent  inlassablement les auteurs. Dans leurs précédents travaux, ils avaient opté pour un monopole public, qui produirait et distribuerait le cannabis en France.

« Nous nous y sommes mal pris, confessent-ils. Au niveau des réglementations européennes, créer un monopole est presque impossible ; par ailleurs, cela place l’Etat en situation de conflits d’intérêts structurels, du fait de sa mission de santé publique – comme cela fut le cas autrefois avec la Seita ». La Seita, entreprise publique qui avait jusqu’en 1970 le monopole de la culture du tabac en France.

Ce sera donc la voie privée. Mais pas celle, ultralibérale et quasi-dérégulée, qu’ont choisie les Etats-Unis. « Le Colorado ne nous semble pas être le bon modèle », commentent les chercheurs. Il est vrai que dans cet Etat, les entrepreneurs ont fabriqué des bonbons au chanvre pour les enfants et promettent de livrer l’herbe par drone, à grand renfort de stratégies marketing offensives.

"Autorité de régulation du cannabis"

Commerce privé, donc, pour un encadrement public. Christian Ben Lakhdar et Jean-Michel Costes proposent la création d’une instance régulatrice, l’« Autorité de régulation du cannabis (ARCA) », calquée sur le modèle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Car les chercheurs y voient bien des similitudes : après tout, on parle toujours de conduites potentiellement addictives, qu’il faut encadrer puisque les réprimer ne permet pas de les faire disparaître.

L’ARCA contrôlerait donc la qualité des produits, leur teneur en THC, le cahier de charges des producteurs. La production, elle, s’appuierait sur les chanvriers déjà présents sur le territoire, ou s’organiserait via les producteurs étrangers. Quant à la revente du produit contrôlé, elle pourrait s’opérer par « le réseau des débitants de tabac, celui des officines pharmaceutiques ou un nouveau réseau de magasins », précise le rapport.

Une fois ce commerce établi, alors, les autorités pourront déployer des moyens de prévention réellement efficaces, avancent les chercheurs. Une interdiction de vente au mineure serait mise en place, tout comme des « avertissements sanitaires et un packaging neutre », ainsi qu’« une interdiction de la consommation dans les lieux à usage collectif et de travail clos et couverts ».

Bien sûr, il s’agit là de pistes qui restent ouvertes au débat et ne demandent qu’à être affinées. Mais les auteurs le croient : seule la légalisation permettra à la fois de couper l’herbe sous le pied des trafiquants et de limiter les dommages sanitaires liées à la consommation de cannabis, puisque le modèle aura pour corollaire la réduction des risques. Pour autant, il y a fort à parier que le rapport restera lettre morte au sein d’une classe politique particulièrement silencieuse sur la question.

Ecoutez...
Christian Ben Lakhdar, auteur du rapport : «  Ces travaux n’ont pas d’écho auprès du Haut Conseil de Santé publique, qui a investi d’autres champs prioritaires – alcool, tabac, nutrition, vaccination. »

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