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Remboursement des soins : le NHS fait la chasse aux fumeurs et aux obèses

Remboursement des soins : le NHS fait la chasse aux fumeurs et aux obèses BERMAN NINA/SIPA




ENQUÊTE - Le tiers payant fait entrer davantage les complémentaires dans la prise en charge des soins. Avec des offres séduisantes, pour les uns; l'introduction à venir d'un système de bonus-malus, dénoncent les autres. Face au besoin de financement, les experts préconisent de définir un panier santé "solidaire". Des pays réfléchissent, eux, à des solutions radicales.

S’il y a bien un débat qui fâche au Royaume-Uni, c’est celui de la modulation des soins en fonction de l’hygiène de vie des patients. Pour faire face à une situation budgétaire compliquée, le National Health Service (NHS), le système national de santé du pays, est parfois contraint de rationner l’offre de soins proposée dans certaines régions.

Le NHS est organisé en comités régionaux, les CCG, qui se chargent depuis 2012 de repartir les financements de santé de la région. Ils jouissent d’une grande autonomie pour arbitrer entre les services qu’ils peuvent offrir. Mais cela les a parfois amené à restreindre l’accès à certains traitements, et à limiter le recours à certaines opérations, pour certains patients.
Des décisions souvent mal comprises par la population locale, d’autant qu’il n’existe jusqu’aujourd’hui pas de règles claires et harmonisées auxquelles les CCG peuvent se référer pour arbitrer les services de santé qu’elles vont proposer. « Il existe un manque de transparence dans les décisions des CCG de limiter l’accès à certains traitements. » explique Rebecca Gray du King’s Fund, un des plus importants think tank du pays, spécialisé en santé publique.

Et, selon elle, cette situation ne va pas s’arranger. Le patron du NHS, Simon Stevens, estime qu’il manquerait jusqu’à 30 milliards de livres (42 milliards d'euros) d’ici 2020 pour faire face à la demande grandissante de soins de la population britannique vieillissante. Dans ce contexte, le débat sur la modulation des soins sur des critères d’hygiène de vie n’est donc pas prêt de disparaître.  Une étude réalisée par le Health Service journal montre ainsi que 40 % des CCG pourraient avoir recours a des pratiques de rationnement des soins sur des critères d’hygiène de vie, au cours de l’année 2015.

 

Expérimentation dans le Devon

En novembre dernier, à l’approche de la campagne électorale, une CCG du sud de l’Angleterre  voulait mettre en place un plan expérimental pour combler ses 14,5 millions de livres (20 millions d'euros) de déficit, en limitant l’accès à certains soins pour les fumeurs et les personnes obèses. Celles-ci se seraient notamment vues refuser certaines opérations de routine, du genou ou de la hanche.
Pour les personnes avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 35, la condition pour pouvoir dès lors bénéficier de ces soins aurait été de perdre 5 % de leur poids, ou de repasser sous la barre des 35. Pour les fumeurs, il aurait fallu apporter la preuve que l’arrêt du tabac durait depuis au moins huit semaines. Mais face aux critiques des syndicats de médecins, ainsi que du gouvernement, le plan a été retiré.

Le Dr Paynton, du Royal College for General Practitioners (le syndicat des médecins généralistes) est l’une des voix qui s’est tout particulièrement élevée contre la mesure. Il estime en effet que « l’éligibilité d’un patient à recevoir tel ou tel traitement doit être pris au cas par cas. Ce n’est pas le rôle des CCG d’imposer des restrictions systématiques aux patients à cause de leur style de vie, pour des traitements qui peuvent potentiellement les sauver ».

Arguments médicaux ou pratiques discriminatoires ?

Une crainte partagée avec Tam Fry, de l’association Britannique « Forum pour l’obésité ». Selon ce dernier, «  l’idée de moduler les soins pour les personnes obèses est un presque un crime, une injustice à mes yeux. Nous avons un NHS qui doit offrir des soins gratuits à tous ceux qui en ont besoin. »
Mais les fumeurs et les personnes obèses ne sont pas les seules affectées par ces débats. Les personnes infertiles se sont aussi vues refuser certains traitements de fertilité. Le NICE, l’institution de référence en matière de conseils de santé, recommande  que les femmes de moins de 40 qui ne parviennent par à concevoir au bout de deux ans se voient offrir trois opportunités de fécondation in vitro.
Mais une étude réalisée par le think-tank de santé, le Nutffield Trust, montre que dans 80 % des cas, seule une FIV est réellement proposée aux femmes. Les fumeuses et les femmes obèses sont d’autant plus concernées qu’elles ont moins de chance que leur FIV soit couronnée de succès. Les CCG sont donc plus réticentes à leur offrir ce traitement.

 

Modèle à risque

Qu’en pense le public britannique ? Généralement opposé à l’idée de rationnement des soins, très attaché à son NHS, les Anglais semblent plutôt favorables à des mesures qui feraient payer le fait d’avoir des comportements à risque. En janvier, un sondage réalisé par l’institut national Yougov, pour le journal The Times, soulignait qu’environ 6 personnes sur 10 estimaient « raisonnable de restreindre l’accès à certains soins pour des personnes avec des styles de vie malsains ».
 Si l’on retient l’hygiène de vie comme critère d’arbitrage, cela ne remet-il pas en cause l’idée même que tous les patients aient le droit à des soins de santé gratuits, comme le stipule la charte fondatrice du NHS ? Le risque : « les personnes obèses et les fumeurs, en se voyant refuser certaines opérations, pourraient ne plus autant faire appel au NHS pour d’autres problèmes de santé » prévient Tam Fry, du forum pour l’obésité. En remettant en cause l’universalité du NHS, la modulation des soins en fonction du mode de vie risquerait alors de pénaliser les personnes qui ont le plus besoin du soutien des professionnels de santé du pays.

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