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Trouble bipolaire

Trouble bipolaire : une variation anormale de l'humeur et un risque de suicide

Le trouble bipolaire, avec son alternance de périodes de dépression et d’excitation pathologique (« manie ») séparées par des intervalles libres, est une des maladies les plus invalidantes. Pourtant, comme la dépression a tendance à dominer les épisodes maniaques, il faut en moyenne 10 ans pour faire le diagnostic. C'est une perte de chance pour les malades et un risque important de suicide.

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Quels sont les principes du traitement du trouble bipolaire ?

Les médicaments les plus efficaces et qui doivent être prescrits d’emblée dans le trouble bipolaire (« première intention ») sont des « thymorégulateurs » ou « régulateurs de l’humeur » (et surtout pas un antidépresseur seul). Ces traitements, et en particulier les sels de lithium, permettent de réduire la fréquence, la durée et l’intensité des épisodes, tant dépressifs que maniaques, et d’améliorer la qualité des intervalles libres. Leur efficacité dans la prévention du suicide au cours du trouble bipolaire est largement démontrée dans de nombreuses études. Cependant, il s’agit d’un traitement de fond, c’est-à-dire que son efficacité ne peut être évaluée qu’après au moins 6 mois de traitement. Les traitements thymorégulateurs nécessitent une surveillance médicale stricte, ainsi que le respect absolu des contre-indications et des précautions d’emploi.

Pour certains malades, le traitement thymorégulateur doit être maintenu à vie. Une interruption de traitement n’est pas envisagée avant une période de stabilité de l’humeur d’au moins 2 ans (2 ans de traitement sans dépression ni phase maniaque). Elle doit être réalisée très progressivement et toujours sous surveillance médicale.

Un traitement autre que thymorégulateur est souvent utilisé dans le trouble bipolaire, mais en « seconde intention » (après la mise en route du thymorégulateur) ou à visée adjuvante (recherche d’un effet additionnel à celui du thymorégulateur). Dans une phase dépressive du trouble bipolaire, il faut absolument éviter de prescrire des antidépresseurs seuls (en « monothérapie ») en raison du risque important de « virage maniaque » (passage rapide d’une humeur dépressive à une humeur maniaque sous l’influence de l’antidépresseur). Ce n’est qu’une fois le thymorégulateur prescrit est pris que l’association d’un antidépresseur, surtout sérotoninergique, peut être envisagée.

La « psychoéducation » est une psychothérapie très efficace pour les malades qui souffrent de troubles bipolaires et elle doit toujours être associée au traitement médicamenteux. Le but de la psychoéducation est de mettre en place des stratégies d'adaptation avec le malade pour gérer le stress, aménager ses rythmes de vie et réguler le sommeil, l'alimentation et la pratique d'activités physiques. Une vie plus régulière est en effet associée à une meilleure prévention des épisodes de manie.

La prise en charge du trouble bipolaire est donc pluridisciplinaire, coordonnée par le médecin traitant, mais faisant intervenir le service de psychiatrie, le psychothérapeute, les services sociaux et médico-sociaux, Service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) et Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH)) et la médecine du travail. Les associations de malades et de proches peuvent être très intéressantes.

Quand faut-il discuter d’une hospitalisation ?

Avec un traitement approprié associant : stabilisateur de l'humeur, hygiène de vie (routine) et travail personnel (psychoéducation), la plupart des personnes bipolaires peuvent vivre une vie satisfaisante et normale à la maison comme au travail.

Dans certaines mélancolies sévères à risque suicidaire important, lorsque la manie fait courir un risque médical ou judiciaire ou lorsqu’un bilan médical complet s’impose, une hospitalisation peut être décidée. Dans certains cas particulièrement graves où le malade est incapable de prendre la décision, l’hospitalisation peut être décidée sans son consentement (avec la famille ou les services du préfet). Ces hospitalisations sous contrainte sont très encadrées par la loi dans le seul intérêt du malade et cessent dès qu’il va mieux.

En phase aiguë, qu’elle soit dépressive ou maniaque, l’hospitalisation se discute en fonction du contexte et des risques.

Quels sont les médicaments thymorégulateurs dans le trouble bipolaire ?

Le plus ancien et le plus efficace des thymorégulateurs est le lithium (sels de lithium) et il reste encore aujourd’hui le traitement de référence. Il est le seul à avoir réellement démontré une activité contre le suicide.

D’autres régulateurs de l’humeur sont des médicaments qui avaient été initialement proposés comme traitement de l’épilepsie. Les antiépileptiques qui ont fait la preuve de leur efficacité thymorégulatrice sont le valpromide, le divalproate, la carbamazépine et la lamotrigine.

Les « antipsychotiques atypiques » tels que l’olanzapine et la risperidone qui sont utilisés dans le traitement de certaines maladies psychotiques, comme la schizophrénie, ont aussi fait la démonstration de leur aptitude à réguler l’humeur et sont désormais prescrits dans cette nouvelle indication de thymorégulation.

Dans certaines formes particulières ou résistantes aux traitements habituels le psychiatre peut proposer d’autres médicaments qui auraient des effets thymorégulateurs mais dont le niveau de preuve est moins fort. C’est le cas d’autres antiépileptiques (gabapentine, topiramate) ou d’autres antipsychotiques comme la clozapine. Il est également possible d’envisager des associations de thymorégulateurs dans les formes résistantes. Au final, le choix entre les trois groupes de médicaments (lithium, antiépileptiques et antipsychotiques) dépend de l’histoire de chaque malade, de ses antécédents, des contre-indications éventuelles du fait des maladies associées (« comorbidités »), mais aussi des habitudes du prescripteur et des choix du malade.

Que faire en cas d’épisodes aigus maniaques ou hypomaniaques ?

Les traitements spécifiques des états maniaques sont les thymorégulateurs. Ils sont prescrits d’emblée et à dose parfois plus élevée que dans les cas où ils sont prescrits à titre préventif des récidives. Le traitement de référence est le lithium, mais il est possible de prescrire un autre thymorégulateur (divalproate de sodium ou valpromide) ou certains antipsychotiques atypiques (olanzapine, rispéridone, aripiprazole) qui ont aussi des propriétés « antimaniaques ».

Si l'agitation est très importante initialement, il est possible au médecin de prescrire des traitements sédatifs de courte durée (neuroleptiques sédatifs, antipsychotiques atypiques, benzodiazépines) qui agissent rapidement sur ce type de manifestations.

En cas de résistance ou de réponse insatisfaisante ces traitements peuvent être associés entre eux. Dans la plupart des cas, un traitement antidépresseur, qui aurait été éventuellement prescrit antérieurement, doit être interrompu.

Que faire en cas de dépression résistante au cours d’un trouble bipolaire ?

L’indication des traitements antidépresseurs chez les patients bipolaires doit faire l’objet d’une évaluation prudente et doit être décidée au cas par cas.

Le risque principal représenté par leur prescription est celui du passage à un état hypomaniaque ou maniaque, ce que l’on appelle « virage maniaque ». Il a été par ailleurs observé que les alternances de reprise et d’arrêt des traitements antidépresseurs seraient en cause dans l’apparition de troubles bipolaires à « cycles rapides ».

Face à un épisode dépressif sévère, notamment en cas d’idées suicidaires exprimées par le malade, la prescription d’un antidépresseur s’impose en association au thymorégulateur et est entourée de toutes les précautions et la surveillance médicale nécessaires.

Les dépressions sévères « mélancoliques » justifient souvent d’une hospitalisation, d’un traitement antidépresseur par perfusion pour réduire le délai d’action. Dans les formes délirantes (avec idées délirantes), il peut être nécessaire d’y associer un neuroleptique.

Que faire en cas de résistance du trouble bipolaire au traitement ?

Dans les cas résistants à l'ensemble de ces traitements médicamenteux, y compris en association, la « sismothérapie », appelée aussi « électroconvulsivothérapie » (ECT) ou électronarcose, peut être utilisée pour obtenir une amélioration rapide des signes sévères. Ce traitement, encore teinté d’une image très péjorative, est indolore car il est réalisé sous anesthésie générale avec curarisation pour éviter les contractures musculaires douloureuses. Dans certains cas, l’électroconvulsivothérapie permet d’obtenir rapidement une rémission de l’épisode. Les effets secondaires principaux sont des troubles de la mémoire, transitoires dans la plupart des cas.

Quelle est la durée du traitement médicamenteux ?

Pour certains malades, le traitement thymorégulateur doit être maintenu à vie, mais généralement, après un premier épisode de trouble bipolaire, le traitement doit être maintenu au minimum 2 années après l’obtention de la rémission complète. Si le risque de rechutes est très élevé (sévérité de l’épisode, abus d’alcool ou de substances toxicomaniaques, trouble de la personnalité associé) le traitement doit être maintenu au moins 5 années. L’interruption d’un traitement médicamenteux, si elle est possible, doit toujours être très progressive. Toute interruption brutale du traitement expose à un risque de rechute.

Quelles sont les précautions avec les sels de lithium ?

Les sels de lithium sont le traitement de référence du trouble bipolaire. La prescription initiale est réalisée par un médecin psychiatre qui vérifiera l’absence de certaines contre-indications avant de les prescrire : c’est la raison du bilan médical complet associant examen clinique, bilans sanguins et urinaires et électrocardiogramme. La forme la plus prescrite des sels de lithium est le carbonate de lithium sous sa forme standard ou à libération prolongée limitant le nombre de prise quotidienne. Une surveillance de la fonction du rein et de la thyroïde est obligatoire.

Les effets secondaires les plus fréquents sont des troubles digestifs, à type de diarrhées en début de traitement, nausées et vomissements. Il a été décrit des tremblements, une sécheresse de la bouche avec sensation de soif et augmentation du volume urinaire, un syndrome confusionnel et des anomalies de la thyroïde.

Pour être efficace le taux de lithium dans le sang, ou « lithémie », doit être compris dans une certaine « fourchette » assez étroite que l’on appelle « fourchette thérapeutique » : en dessous de la limite basse, le traitement n’est pas efficace et au-dessus, il peut être toxique. Lors de la mise en route du traitement, des contrôles sanguins seront donc effectués afin d’ajuster la dose quotidienne pour obtenir une dose dans le sang comprise dans la fourchette thérapeutique. Une fois l’équilibre atteint, la lithémie sera re-contrôlée à intervalles réguliers et lors de chaque situation pouvant déséquilibrer ce taux. Ce type de déséquilibre peut survenir en cas de déshydratation (fièvre, diarrhée, régime sans sel, période de canicule,…) ou lors de la prescription d’autres traitements pouvant interagir avec le lithium. Dans ce cadre, il est indispensable de signaler la prise de lithium à tous les médecins consultés pour éviter les prescriptions qui pourraient interagir avec le lithium.

Le surdosage en lithium se manifeste par des tremblements, des douleurs du ventre, des diarrhées, des nausées, des vomissements, une confusion mentale, une raideur de la mâchoire à l’origine de difficultés pour parler. En cas de suspicion de surdosage, la consultation du médecin et le contrôle sanguin de la lithémie s’imposent en urgence.

Il faut attendre six mois à un an de traitement par lithium avant d'obtenir une action préventive efficace.