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Aux Etats-Unis

Cancer du sein : la moitié des doubles mastectomies seraient inutiles

Par Suzanne Tellier

De plus en plus de femmes ont recours aux tests génétiques, mais une étude montre que les résultats donnent lieu à des chirurgies agressives inutiles.

Fritz Gerard F./SUPERSTOCK/SIPA

Les tests génétiques pour prédire le risque de cancer, pourquoi pas, mais avec parcimonie et surtout, une lecture éclairée. Selon une étude publiée dans la revue Journal of Clinical Oncology , près de la moitié des femmes qui ont subi une double mastectomie après avoir réalisé un test génétique avérant la présence d’un gène suspect l’ont probablement faite pour rien : en réalité, elles n’étaient pas porteuses de la mutation génétique induisant avec certitude un surrisque de cancer du sein.

Ces résultats surprenants suggèrent que de très nombreux médecins ne savent pas interpréter correctement les résultats de ces tests génétiques, expliquent les chercheurs de l’université de Stanford.

Gènes incertains

En effet, ces tests détectent des mutations génétiques qui augmentent les risques de certains cancers du sein, les plus connues étant BRCA1 et BRCA2. Mais ils détectent souvent d’autres mutations dont on ignore l’impact, expliquent les auteurs. Ces gènes ne sont pas « normaux », mais leur mutation n’est pas nécessairement liée à un risque de cancer. En fait, selon le niveau de preuve disponible, il y a neuf chances sur dix qu’une telle mutation soit bénigne !

Les recommandations préconisent que les femmes présentant un résultat génétique incertain ne subissent pas un traitement agressif, comme celles qui sont testées positives au gène BRCA 1 ou 2.

Pourtant, parmi les 666 patientes atteintes de cancer du sein réunies au sein de l’étude qui ont passé un test génétique, toutes ont été traitées à la même enseigne. Quelque soit le résultat du test, sûr ou incertain, elles avaient autant de risque de subir une double mastectomie, une opération chirurgicale particulièrement invasive puisqu’elle consiste en l’ablation des deux seins.

 

L'effet Angelina Jolie

Selon ces travaux, les chirurgiens ont déclaré avoir traité les patientes de la même manière, que le test génétique augure des mutations cancérigènes certaines ou pas. « Cela sort des recommandations et pourrait conduire à plus de chirurgies invasives », s’alarment les auteurs.

Les chirurgiens qui avaient l’habitude de traiter des cancers du sein avaient moins tendance à réaliser des actes invasifs en cas de résultats génétiques incertains. Toutefois, un sur quatre a déclaré qu’il traitait également les deux sortes de résultats (mutations BCRA et mutations incertaines). Quant aux chirurgiens moins familier de ces cancers, la moitié ont déclaré réserver le même traitement aux deux situations.

Les tests génétiques pour détecter les cancers du sein sont devenus très populaires ces dernières années, et plus encore depuis qu’Angelina Jolie a fait part de sa propre histoire. Porteuse du gène BRCA, l’actrice américaine a en effet subi une double mastectomie – justifiée, pour le coup.

Pédagogie génétique

Ces résultats montrent que les généticiens doivent fournir un effort pédagogique important au sein des équipes qui prennent en charge les cancers. Selon ces travaux, seule la moitié des patientes de l’étude ont discuté du résultat de leur test avec un généticien. Pire : seules sept femmes sur dix s’en sont entretenues avec plusieurs professionnels de santé. Les recommandations préconisent pourtant un entretien systématique avec au moins un spécialiste de la génétique, en plus du chirurgien.

Mais intégrer des généticiens au parcours de soins de ces femmes peut s’avérer plus complexe qu’il n’y paraît, explique la presse américaine, qui commente ces résultats. En effet, les spécialistes de la génétique se font rares aux Etats-Unis car les assurances ne remboursent que très rarement leurs prestations. Cette pénurie engrange des délais d’attente très longs – trop, probablement, pour des femmes angoissées devant un test génétique incertain.