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Éducation

Les Américains de 40 ans souffrent plus que les personnes âgées

Par Jean-Guillaume Bayard

Les Américains d'âge moyen signalent plus de douleur que les personnes âgées, en particulier chez les moins diplômés.

Halfpoint/iStock
Les deux tiers de la population américaine sans diplôme universitaire ont signalé plus de douleur à la quarantaine.
L'augmentation de la douleur entre les tranches d’âges indique également une détresse intergénérationnelle chronique croissante.
Ce phénomène va conduire les Américains d’âge moyen aujourd’hui à devenir les personnes âgées de demain avec plus de douleur de problèmes de santé que les personnes âgées actuelles.

À mesure que les gens vieillissent, ils ont tendance à signaler une douleur plus aiguë ou chronique. Pourtant, aux États-Unis, les adultes d'âge moyen signalent désormais plus de douleur que les personnes âgées. Une découverte paradoxale qui se limite aux deux tiers de la population américaine sans diplôme universitaire et se produit parce que chaque génération d'Américains moins éduqués souffre davantage tout au long de leur vie, estiment les chercheurs. Les résultats ont été publiés le 21 septembre dans la revue PNAS

Un phénomène exclusivement américain 

Les personnes âgées les moins instruites d'aujourd'hui ont moins souffert tout au long de leur vie que les personnes d'âge moyen au même niveau d'éducation, et qui deviendront les personnes âgées de demain. “Le lien entre les Américains moins éduqués et la douleur est façonné par un certain nombre de facteurs allant du revenu à l'isolement social en passant par l'augmentation des décès dus au désespoir. Il est très préoccupant pour nous, en tant que chercheurs, qu'il semble s'aggraver”, avance Alexander Stewart, l’un des auteurs de l’étude. Les chercheurs ont utilisé des données d'enquêtes sur la douleur enregistrées entre 2006 et 2018 chez des adultes âgés de 25 à 79 ans aux États-Unis et dans 20 autres pays riches.

Les chercheurs ont examiné différentes cohortes de naissance nées entre 1930 et 1990. Dans leur première analyse, ils ont constaté que les hommes et les femmes rapportent plus de douleur à mesure qu'ils vieillissent. Dans leur deuxième analyse — après avoir contrôlé le niveau d'éducation — ils ont constaté que cela était également vrai pour les Américains titulaires de l’équivalent d’un baccalauréat. Les deux tiers de la population américaine sans diplôme universitaire ont signalé plus de douleur à la quarantaine. “Cela semble être un phénomène exclusivement américain, car les habitants d'autres pays riches ne signalent pas une douleur plus élevée dans la quarantaine”, précise Anne Case, chercheuse à Princeton, qui a participé à l’étude.

Un problème qui empire

L'augmentation de la douleur entre les tranches d’âge indique également une détresse intergénérationnelle chronique croissante. Les personnes moins éduquées connaissent plus d'isolement social, une vie familiale plus fragile, moins de mariages et plus de divorces, ainsi que des salaires stagnants et des pertes d'emplois. Ils ont également vu une augmentation des décès dus au désespoir, au suicide, à une surdose de drogue et d’alcool, selon des travaux antérieurs menés par les chercheurs. L'obésité est également un problème chronique en hausse aux États-Unis. Avec la prise de poids, le corps est plus sollicité et les douleurs plus présentes.

Ce phénomène va conduire les Américains d’âge moyen aujourd’hui à devenir les personnes âgées de demain avec plus de douleur de problèmes de santé que les personnes âgées actuelles. “La douleur nuit à la qualité de vie et s'aggrave pour les Américains moins éduqués, a observé Angus Deaton, l’un des auteurs de l’étude. Cela ne fait pas qu'empirer leur vie mais posera des problèmes à long terme pour un système de santé dysfonctionnel qui n'est pas bon pour traiter la douleur.”