ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Covid-19 : un possible dépistage des formes sévères

Recherche

Covid-19 : un possible dépistage des formes sévères

Par Amanda Breuer-Rivera

Début août, des chercheurs français ont publié un article mettant en lumière les incohérences du système immunitaire lors d'une forme sévère à la Covid-19. Ils assurent que leurs observations permettent de développer un diagnostic des formes sévères, ainsi qu'une nouvelle piste thérapeutique.

Wildpixel/iStock
Des scientifiques français observent que dans les formes graves de la Covid-19 la composition des globules blancs est chamboulée. Fort de ce constat, ils espèrent pouvoir être en mesure de savoir à l'avance si une personne hospitalisée développera ou non une forme grave.
La présence en quantité anormale de calprotectine - marqueur d'inflammation - pourrait éventuellement jouer un rôle dans l'emballement immunitaire parfois fatal pour le patient. Ils espèrent qu'en diminuant ce taux, ils pourront atténuer les formes sévères.

Les patients atteints d'une forme sévère de Covid-19 ont leur système immunitaire détraqué. C'est le surprenant constat qu'ont fait des chercheurs de l'APHP, de l'Inserm et Gustave-Roussy. Dans une étude publiée le 4 août dans la revue américaine Cell, ces scientifiques français dévoilent le résultat de leurs recherches sur les répercussions de ce coronavirus sur le système immunitaire. En analysant la composition de 158 échantillons de sang de patients admis aux urgences pour suspicion de Covid-19, les savants ont découvert un déséquilibre au sein de la réponse immunitaire entre les patients avec ou sans la Covid et ceux ayant été admis en réanimation pour une forme sévère. “Les différentes analyses ont révélé des modifications de la production et de la répartition de certaines cellules myéloïdes [cellules souches de la moelle osseuse qui donnent naissance à une partie des globules blancs chargés de défendre l'organisme d'éléments étrangers, NDLR] du système immunitaire chez les patients atteints d’une forme grave de la Covid-19, aboutissant à une immunosuppression” explique l'étude.

Ces dysfonctionnements ? Un “nombre élevé” de monocytes “classiques” [globules blancs chargés de digérer les corps étrangers notamment dans les muqueuses, NDLR] ankylosés soit “sous exprimant l’antigène HLA-DR” et à peine 4% de monocytes “non-classiques” contre 10% en temps normal chez les malades atteints de forme sévère. Les auteurs de l'étude soupçonnent la présence de “cellules myéloïdes correspondant à des polynucléaires neutrophiles immatures aux propriétés immunosuppressives (myélopoïèse d’urgence)” d'être à l'origine de ce chamboulement.

Calprotectine suspectée d'amplifier l'orage immunitaire

Dans le plasma des malades souffrants d'une forme sévère de la Covid-19, les chercheurs observent une concentration anormale de calprotectine présente entre 100 et 1 000 fois la dose habituelle. Cette protéine, sécrétée par certains globules blancs, est libérée en cas d'inflammation. Plus il y en a, plus l'inflammation est sévère. “Nos résultats suggèrent que la calprotectine pourrait être responsable de l’aggravation de la Covid-19, puisque sa quantité corrèle avec les besoins en oxygène ainsi que les facteurs impliqués dans la thrombose, souligne Aymeric Silvin directeur de l'étude et chercheur en immunologie. La forte augmentation de calprotectine dans le sang pourrait intervenir avant l’orage cytokinique associé à l’emballement inflammatoire des patients développant une forme sévère. Nous pensons qu’une boucle d’amplification se crée entre la calprotectine et l’interleukine-6 [substance pro-inflammatoire, NDLR], induisant une inflammation chronique aboutissant à une immuno-suppression.” Fort de ces résultats, les auteurs de l'étude espèrent bien éviter ou diminuer l'emballement immunitaire, bien souvent responsable du décès des patients, en limitant la présence de la calprotectine.

Toutefois, les scientifiques reconnaissent encore mal comprendre la mécanique des “schémas immunitaires associés à la physiopathologie de la Covid-19". Cependant, ils assurent que leurs observations peuvent déjà être utilisées. “Le diagnostic précoce d’une forme grave de la Covid-19 peut être réalisé sur un tube de sang en combinant un dosage de la calprotectine et un test de cytométrie en flux [étude multi-paramétrique de particules dans un fluide, NDLR], indique professeure Michaela Fontenay co-autrice de l'étude et cheffe de service d’hématologie biologique à l'APHP. C'est facilement implantable dans les laboratoires d’hématologie de routine." Un espoir pour diminuer la létalité de cette maladie encore si mal comprise.