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Hapifork, la fourchette électronique

Par le Dr Jean-François Lemoine

MOTS-CLÉS :

C’est une invention française, que les nutritionnistes du monde entier appelaient de leurs vœux. « Hapifork » n’est qu’une fourchette, mais quelle fourchette ! Connectée, via Bluetooth, au Smartphone ou à l’ordinateur, elle analyse la manière dont on mange, en recueillant trois données : la durée du repas, le nombre de coups de fourchette et leur intervalle. L’analyse de ces informations va définir le plan « d’entrainement » et, conséquence pratique, elle va se mettre à vibrer si ce temps n’est pas assez long, pour permettre de ralentir.

 

Il existe des preuves scientifiques de ce que chacun de nous peut constater : ceux qui mangent lentement grossissent moins, car ils mangent moins. Une chercheuse américaine, le Pr Kathleen Melanson, a démontré en 2006 que manger vite fait consommer environ 88 grammes de nourriture par minute, une vitesse moyenne, 71 grammes ; et pour les mangeurs les plus lents, la consommation passe à 57 grammes. On estime que la lenteur autorise, en moyenne, la prise de 10 % de calories en moins, ce qui se traduit par un indice de masse corporelle (un indicateur de poids assez précis) plus élevé chez les gens « pressés ».

 

Manger lentement, c’est aider la digestion, en gardant les aliments plus longtemps dans la bouche, pour donner leur chance aux dents – qui ne sont pas là que pour rendre le sourire charmant – de déchirer, broyer et malaxer. Manger lentement, c’est mieux apprécier la nourriture, ce qui n’est pas un mince avantage lorsque l’on veut perdre du poids en se privant.

 

Pour limiter la prise d’aliments, la nature nous a astucieusement dotés d’un signal de rassasiement, un ordre du cerveau qui décide que l’on a trop mangé. Un signal qui avertit, au cours du repas, que l’on n’a plus faim. On le confond souvent avec la satiété, qui est le fait de ne pas avoir faim en attendant le prochain repas. La satiété dépend donc du mode de rassasiement que l’on a eu ; quantité et qualité des aliments que l’on a pris.

 

Si le signal de faim, qui dépend de notre niveau de sucre dans le sang, est assez précis, celui qui décide de l’arrêt des festivités est assez complexe. Il fonctionne bien dès la naissance et se perturbe en vieillissant. Conséquence, la satisfaction qui signale la fin d’un repas n’intervient que lorsqu’on a pris plus de nourriture qu’il ne le faudrait, probablement parce que ce signal est trop tardif. Probablement un reste de notre adaptabilité à la famine. Ce délai, que l’on peut évaluer entre 10 et 20 minutes, est celui de tous les dangers, alors qu’il suffit d’attendre pour voir disparaître, comme par magie, l’envie irrépressible de se resservir.

 

La gestion de ce signal milite aussi pour la composition du repas en trois parties. Entrée, plat, dessert ; et non pas le plat principal unique, qui, en attendant sa préparation, est le meilleur allié de la prise de « pain beurre », un grand classique des restaurants du midi. Concrètement, avant de céder à la tentation de se resservir, il faut attendre au moins 10 minutes.

 

Cette fourchette, dont le prix de vente est de 100 euros, ne doit pas être considérée comme un gadget, mais plutôt un outil astucieux pour se rééduquer. En attendant de l’acheter, vous pouvez appliquer les deux recettes « jurassiques » de la médecine d’hier : poser systématiquement la fourchette ente deux bouchées ; ou compter dans sa tête jusqu’à 20 ou 30, comme on l’apprenait aux enfants avant cette invention.