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Evolution

D'anciens muscles reptiliens découverts dans les embryons humains

Par Raphaëlle de Tappie

Grâce à l'imagerie 3D, des chercheurs ont réussi à montrer la présence chez les embryons humains de muscles de reptiles qui disparaissent après la naissance. Ces structures anatomiques n'existent plus chez les mammifères depuis 250 millions d’années.

Seregraff/iStock

Depuis que Darwin a révolutionné l’histoire de la biologie avec la publication de son ouvrage L’Origine des espèces en 1859, de nombreux scientifiques assurent que l’apparition ponctuelle de structures ataviques (structures anatomiques perdues au cours de l'évolution d'un certain groupe d'organismes pouvant être présents dans leurs embryons ou réapparaître chez les adultes comme variations ou anomalies) prouve que les espèces évoluent avec le temps.

Alors que de petites structures en forme de queue apparaissent temporairement dans les embryons humains et que le reste est conservé sous forme de coccyx, plusieurs chercheurs sont persuadés que les muscles et les os ataviques peuvent également être vus dans les embryons humains. Aujourd’hui, grâce à une nouvelle technologie fournissant des images 3D de haute qualité d’embryons et de fœtus, des chercheurs américains ont réussi à en identifier. Les résultats de leur étude sont parus le 1eroctobre dans la revue Development.

Le Docteur Rui Diogo de l’Université Howard (Etats-Unis) et ses collèguesont utilisé des images en 3D pour produire la première analyse détaillée du développement des muscles et des jambes humaines. Cette résolution sans précédent a révélé la présence transitoire de plusieurs de ces muscles ataviques. Dans la main et le pied, sur trente muscles formés à environ 7 semaines de gestation, un tiers fusionnera ou disparaîtra à environ 13 semaines de gestation. Cette diminution correspond à ce qui s’est produit dans l’évolution il y a plus de 250 millions d’années, au moment où certains reptiles ont commencé à se transformer en mammifères.

"Voir le développement humain de façon beaucoup plus détaillée"

Ces muscles permettent de bouger les doigts et les orteils dans presque toutes les directions. Seul l’un d’entre eux persiste chez les embryons humains : celui du pouce de la main, unique doigt qui s’oppose à la paume et nous permet d’attraper des objets. C’est cette particularité, que notre espèce partage avec les autres primates, qui a permis la fabrication des premiers outils ou encore l’émergence de l’art.

"Autrefois, nous comprenions mieux le développement précoce des poissons, des grenouilles, des poulets et des souris que chez nos propres espèces, mais ces nouvelles techniques nous permettent de voir le développement humain de façon beaucoup plus détaillée. Ce qui est fascinant, c'est que nous avons observé divers muscles qui n'ont jamais été décrits dans le développement prénatal humain, et que certains de ces muscles ataviques ont été observés même chez des fœtus de 11,5 semaines, ce qui est très tardif pour les atavismes de développement", commente le Docteur Diogo.

De nouvelles perspectives

Cette découverte déconstruit donc le mythe selon lequel dans notre évolution et notre développement prénatal, nous nous complexifions avec plus de structures anatomiques telles que des muscles continuellement formés par la scission des muscles antérieurs. Ces résultats offrent de nouvelles perspectives sur l’évolution de nos bras et de nos jambes depuis ceux de nos ancêtres mais également sur les variations et certaines pathologies humaines.

En effet, "il est intéressant de noter que certains muscles ataviques se retrouvent rarement chez l'adulte, soit sous forme de variations anatomiques sans effet notable pour l'individu sain, soit à la suite de malformations congénitales", explique Diego. Et de conclure : "Cela renforce l'idée que les variations et les pathologies musculaires peuvent être liées au retard ou à l'arrêt du développement embryonnaire, en l'occurrence peut-être un retard ou une diminution de l'apoptose musculaire, et aide à expliquer pourquoi ces muscles sont parfois présents chez les adultes. C'est un exemple fascinant et puissant de l'évolution en cours".