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Un demi-million de profils ADN

Homosexualité : pas un « gène gay », mais des variations génétiques et des facteurs environnementaux

Par Raphaëlle de Tappie

"Il n’y a pas de gène gay unique, mais de nombreux petits effets génétiques répartis dans le génome" et des facteurs environnementaux qui rentrent en compte dans l'homosexualité, révèlent des chercheurs. 

william87/iStock

On s’en doutait et de nombreuses l’études l’avaient déjà suggéré mais une nouvelle recherche enfonce aujourd’hui le clou. N’en déplaise aux partisans du "gène gay", théorie mise en place dans les années 1990, l’homosexualité ne s’explique pas par un seul gène mais par de multiples régions du génome et de nombreux facteurs environnementaux. Les résultats de cette nouvelle étude internationale sont parus jeudi 29 août dans la revue Science

Pour en arriver à cette conclusion, des chercheurs européens et américains ont analysé un demi-million de profils ADN. La plus grosse partie de l’étude a été réalisée sur des hommes et des femmes via la banque britannique UK Biobank. Les sujets étaient en majorité d’origine européenne et ont du répondre à la question : avez-vous déjà eu une relation sexuelle avec une personne du même sexe?

Au cours de leur recherche, les scientifiques ont découvert cinq positions précises sur nos chromosomes, du nom de locus, apparaissant clairement liées à l’orientation sexuelle. Toutefois, leur influence est "très petite", précisent-ils. L’un des variants génétiques se rapproche notamment des gènes associés à la calvitie masculine, ce qui suggère un lien avec des hormones sexuelles comme la testostérone. Un autre se trouve par ailleurs dans une zone riche en gènes olfactifs, liés à l'attirance sexuelle.

Au terme de leur analyse, les chercheurs en ont conclu que 8 à 25 % des différences d’orientation sexuelle dans la population testée seraient dues à des variations génétiques. Toutefois, ce chiffre est un concept statistique concernant une population donnée et ne veut pas dire que 25 % de l’orientation sexuelle d’une personne dépend de ses gènes, insistent-ils.

"Impossible de prédire l’orientation sexuelle d’une personne d’après son génome"

Ces résultats remettent donc bien en cause la théorie du gène "gay". Au début de la génétique, en 1993, une étude réalisée sur 40 familles avait cru identifier un gène unique, Xq28, comme définissant l’orientation sexuelle. Ces nouveaux travaux réfutent cette explication simpliste de la sexualité. "Supposer que plus on est attiré par quelqu’un du même sexe, moins on est attiré par l’autre sexe est une simplification excessive", commentent les chercheurs.

L’orientation sexuelle a bien une composante génétique mais celle-ci dépend d’une myriade de gènes, précisent-ils. "Il n’y a pas de gène gay unique, mais de nombreux petits effets génétiques répartis dans le génome", note Ben Neale, membre du Broad Institute d’Harvard et du MIT, ayant participé à l’étude. "Il est de facto impossible de prédire l’orientation sexuelle d’une personne d’après son génome", poursuit-il.

Et bien entendu, en plus du génome s’ajoute l’environnement dans lequel une personne a grandi et évolue. C’est comme pour la taille, expliquent les chercheurs : la génétique joue puisque la taille d’une personne dépend de celle de ses parents. Mais sa nutrition au cours de l’enfance aura également un impact important sur son nombre de cm à l’âge adulte. "C’est un comportement complexe où la génétique joue un rôle, mais probablement de façon minoritaire. L’effet de l’environnement existe, mais on n’arrive pas à le mesurer exactement", conclut Fah Sathirapongsasuti, scientifique chez 23andme.com, un site de tests ADN ayant présenté des profils génétiques de clients au cours de l'étude.

Quelques limites à cette étude

"Pour la première fois, nous pouvons affirmer sans l'ombre d'un doute raisonnable que certains gènes influencent la propension à avoir des partenaires de même sexe", commente le psychologue Michael Bailey de la Northwestern University à Evanston, Illinois, en marge de l’étude. Toutefois, cette dernières a ses limites, alerte-t-il. En effet, ce psychologue aurait souhaité que la Biobanque britannique demande aux sujets quel sexe les attire le plus, et pas seulement leur comportement. 

"Ils n'avaient pas une très bonne mesure de l'orientation sexuelle", convient William Rice, biologiste évolutionniste de l'Université de Californie à Santa Barbara dans l’éditorial accompagnant l’article. Selon lui, une telle question aurait permis de prendre en compte les gays et les bisexuels qui n’auraient pas franchi le cap. Malgré tout, le chercheur est heureux de voir que l’étude attire l’attention du grand public. "Une grande partie de la population n'est pas exclusivement hétérosexuelle et les gens veulent comprendre qui ils sont et pourquoi ils ressentent ce qu'ils ressentent", conclut-il.

Afin d’éviter toute polémique, Ben Neale et Fah Sathirapongsasuti ont rappelé, alors qu’ils présentaient leur étude lors d’une conférence de presse, qu’ils étaient eux-mêmes gays. Pour heurter le moins de personnes possible, ils ont résumé leurs résultats sur le site spécial  geneticsexbehavior.info après avoir consulté des associations LGBT sur le sujet. L’organisation américaine GLAAD a salué ces travaux, déclarant qu’"être gay ou lesbienne est une partie naturelle de la vie humaine". 

En France, selon une étude réalisée par l’OCDE intitulée Le Panorama de la société 2019, 1,8% de la population se définissait comme lesbienne, gay ou bisexuelle, au cours de la dernière décennie. Dans le détail, 0,8% des sondés se déclarent homosexuels et 1% comme bisexuels.