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Visiteurs médicaux

Effets secondaires des médicaments: l'info fait parfois défaut

Par Raphaëlle Maruchitch

La question des effets secondaires des médicaments n'est abordée que dans deux tiers des cas par les visiteurs médicaux. Souvent, les médecins et les patients s’informent par d’autres biais.

DURAND FLORENCE/SIPA
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Un médicament n'est jamais sans risque. Les médecins ne cessent de rappeler cette évidence. Encore faut-il être les connaître ! Or, les médecins eux-mêmes ne sont pas toujours bien informés si l'on en croit l’étude qui vient d’être publiée sur la qualité des informations délivrées par les visiteurs médicaux aux médecins, dans le Journal of General Internal Medecine.
Les visites médicales ont pour objectif de présenter de nouveaux médicaments aux médecins, qui pourront ainsi par la suite les prescrire à leurs patients. La publication fait un comparatif entre les villes de Toulouse (France), Montréal, Vancouver (Canada) et Sacramento (Etats-Unis). La bonne nouvelle, en ce qui concerne la fréquence à laquelle sont mentionnés les effets secondaires, c'est que la France obtient le meilleur pourcentage. La moins bonne : cette fréquence n’est que de 61%, contre 39% pour Sacramento et 34% pour les villes canadiennes. Quant aux accidents sévères graves, pour ces villes, ils ne sont mentionnés que dans 5 à 6% des cas. Or, les médecins interrogés se déclarent prêts à prescrire dans 64% des cas. Les auteurs de l’étude s’interrogent : le patient est-il protégé de façon adéquate ?

L'OMS réclame une information plus objective 


D’après la charte de la visite médicale de 2004, les visiteurs médicaux ont pourtant pour obligation d’ « assurer la connaissance du médecin », ce qui implique de les informer sur « tous les aspects réglementaires et pharmaco-thérapeutiques relatifs au médicament présenté », notamment « les effets indésirables ». Début avril, la Haute autorité de santé (HAS) a mis en ligne la traduction d’un document émanant de l’OMS, intitulé « Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre ».
Le document y pointe, notamment, qu’« il y a souvent un manque d'équilibre au niveau de l'information fournie, l'accent étant davantage mis sur les soi-disant bénéfices du produit de l’entreprise que sur les risques potentiels associés à ce médicament. Les délégués médicaux peuvent omettre de mentionner les effets secondaires, les contre-indications et les interactions ».
La modernisation de la visite médicale fait par ailleurs partie de l’un des chantiers de réforme du Comité de déontovigilance du Leem - l’organisation professionnelle qui fédère les entreprises du médicament - qui rendra ses conclusions sur le sujet fin avril. Pas de doute, pour Pascal Le Guyader, directeur des affaires industrielles, sociales et de la formation du Leem, les chiffres qui ressortent de l’étude ne sont pas acceptables et « devraient être de 100% ». « Le médecin n’a pas à poser la question, c’est au visiteur médical de donner les effets secondaires ou indésirables », affirme-t-il.

Face à ce constat, des médecins choisissent de s’informer pour pallier le manque d’informations. C’est le cas du Dr Philippe Nicot, membre de l’association Formindep, qui milite pour une formation et une information médicales indépendantes.


Ecoutez le Dr Philippe Nicot
, généraliste, de l’association Formindep : « Il est possible de s’informer autrement ».


Pour autant, la tâche n’est pas toujours  simple. Le Dr Elisabeth Elefant, embryologiste, souligne la difficulté de s’informer dans certains cas. Notamment, « l’activité spécifique qui consiste à donner des informations à une femme en début de grossesse est longue, difficile et multidisciplinaire. Il n’est pas aisé de trouver des informations valides, mises à jour, que l’on doit par la suite replacer dans le contexte d’une pratique quotidienne », détaille-t-elle. Le Dr Elefant est responsable du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), qui propose entre autres sur son site Internet des informations sur les risques de divers agents en cours de grossesse, en libre accès à tout public.


Deux-tiers des patients cherchent des informations sur les effets secondaires
  


Dans le cas où les filets de sécurité n’auraient pas fonctionné, y compris celui du passage par la case pharmacie, le patient lui-même peut-être amené à rechercher des renseignements sur les effets indésirables d’un médicament. Rappelons que ceux-ci sont mentionnés dans la notice qui accompagne les médicaments. Par exemple pour l’amoxicilline, un antibiotique couramment prescrit, la notice stipule que les effets secondaires peuvent aller des "simples manifestations digestives" jusqu’à un « décollement de la peau avec bulles » ! D’ailleurs, d'après un récent sondage Ipsos/Leem, les deux tiers des Français se renseignent sur les effets indésirables, les contre-indications ou encore la posologie et pour cela, 48% consultent la notice et 46% vont sur Internet.

Mais même si le patient a été informé, il peut avoir besoin de retrouver les informations qu’on lui a communiquées pour mieux les digérer. L’Association française des malades du myélome multiple (AF3M), dédie par exemple une partie de son site à informer les malades sur leurs médicaments.


Ecoutez Bernard Delcour
, président de l’Association AF3M : « Lors de l’annonce d’un cancer, il y a des choses que vous pouvez entendre et ne pas entendre, donc il est bon que les malades puissent disposer d’une information qui puisse être consultée à tête reposée. »


Le Dr Nicot va même plus loin et souligne que le patient peut aussi lui-même s’enquérir des pratiques de son médecin : « Je pense que c’est du rôle des patients d’avoir le courage de demander aux médecins comment ils se forment, s’ils lisent des revues indépendantes, s’ils reçoivent des visiteurs... ».