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Étude parue dans Current Biology

Tumeur au cerveau : un patient joue du saxo pendant son opération

Par Léa Drouelle

Un patient qui se faisait retirer une tumeur cérébrale a joué du saxophone pendant son opération. Il a conservé toutes ses fonctions cognitives. 

Capture d'écran Youtube
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Depuis quelques années, les opérations sans anesthésie générale tendent à se développer, notamment grâce aux interventions chirurgicales effectuées sous hypnose. Et cela est d’autant plus impressionnant lorsqu’il s’agit d’opérations du cerveau. Le patient américain Dan Fabbio en a récemment fait l’expérience. Alors qu’il se faisait opérer, celui-ci s’est livré à une activité surprenante. En effet, le patient a pu jouer du saxophone tout au long de l’intervention.

Ce professeur de musique n’avait que 25 ans, lorsqu’en 2015, les médecins lui ont annoncé qu’il souffrait d’une tumeur au cerveau. Bénigne, cette tumeur est cependant potentiellement problématique pour ce patient puisqu’elle est logée dans la partie du cerveau qui fait appel à ses fonctions cognitives nécessaires pour jouer de la musique.

L’extraction d’une tumeur peut en effet présenter de nombreux risques, notamment celui d’abîmer les tissus cérébraux et de rompre les connexions entre différentes zones du cerveau. Le professeur en neurologie du Centre médical de l'Université de Rochester (New-York) Web Pilcher a cependant trouvé la solution au problème de Dan Fabbio: lui faire jouer du saxophone pendant qu’on lui retire sa tumeur.

Cartographie cérébrale

L’objectif de cette étude publiée dans le journal Current Biology, a expliqué le Pr Pilcher dans un communiqué de presse, a été d’établir une cartographie des régions cérébrales qui interviennent lorsque le patient se met à faire de la musique. « Il est essentiel d'anticiper autant que possible les conséquences d'une opération sur chaque patient avant de les amener en salle d'opération. Cela permet d'effectuer la procédure sans causer de dommages aux parties du cerveau dont les fonctions sont importantes pour la vie quotidienne du patient ».

Pour établir la cartographie du cerveau, le Pr Pilcher a sollicité l’aide du neurologue Brad Mahon, mais également d’Elisabeth Marvin, professeur de théorie musicale à l’école de musique Eastman de Rochester. Les experts ont divisé les zones cérébrales de Dan Fabbio en trois parties distinctes.

 

« Il a joué sans problème »

L’expérience a consisté en une succession de tests sur le patient afin de déterminer quelles zones du cerveau sont stimulées lorsque celui-ci joue de son instrument. Ceux-ci ont par ailleurs observé comment Dan Fabbio parvenait à jouer du saxophone alors que sa position d’opération (allongé sur le côté) comprimait ses poumons et altérait sa capacité respiratoire. Les chercheurs ont également tenu compte des profondes inhalations nécessaires pour jouer les longues notes, incompatibles avec une opération à crâne ouvert.

Elizabeth Marvin a donc suggéré au patient de jouer un morceau folk qui ne nécessite que de petites respirations, afin que cela n’endommage pas son cerveau pendant l’opération. Pendant que les chirurgiens lui retiraient sa tumeur, Fabbio a fredonné cet air et accompli toutes les tâches motrices et linguistiques déterminées au préalable par les neurologues qui l’ont opéré.

«Il a joué sans problème et quand il a terminé, toute la salle d'opération l'a applaudi. Cela m'a donné envie de pleurer. Ce fut l'un des jours les plus étonnants de ma vie, parce que j'avais l'impression que toute la formation que j'ai suivie avait le pouvoir de changer brusquement la vie de ce jeune homme, qui pourrait conserver ses capacités musicales », raconte Elisabeth Marvin.

Dan Fabbio n'est pas le seul musicien dont les capacités cérébrales ont été utilisées par les chirurgiens lors d'une opération importante. En juillet dernier, un guitariste indien qui souffrait de crampes en jouant de la guitare, au niveau du majeur, de l’annulaire et de l’auriculaire a subi une intervention neurologique. 

Après avoir percé un trou dans le cerveau, les chirurgiens ont placé des électrodes à près de 9 cm de profondeur dans le cerveau, au niveau de la zone concernée. Le patient, sous anesthésie locale, jouait de son instrument pour vérifier que les médecins ne touchaient pas de zone sensible, et pour vérifier l’efficacité des brûlures pratiquées grâce aux électrodes. Pendant l’opération, le musicien a ressenti la présence d’une sorte de générateur allumé dans son cerveau, mais pas de douleurs. Et depuis, il a retrouvé toute sa dextérité.