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Génétique du langage

Bégaiement : des chercheurs se servent de souris pour comprendre

Par Yvan Pandelé

Des chercheurs américains ont créé des souris génétiquement modifiées qui pourront servir de modèle animal pour l'étude du bégaiement.

Extrait du film "Le Discour d'un roi" (2010), de Tom Hooper.

Longtemps considéré comme un trouble d’origine psychologique, le bégaiement fait l’objet de nombreuses recherches en neurosciences depuis une quinzaine d’années. Il faut dire que le problème touche un grand nombre de personnes – environ un adulte sur cent – et qu’il n’est pas toujours possible d’y remédier à l’aide de thérapies comportementales.

L’étape que viennent de franchir des chercheurs de l’université Washington à Saint-Louis (Missouri) est, à cet égard, importante. Dans un article paru dans la revue Current Biology, ils rapportent avoir mis au point des souris transgéniques… qui bégaient.

 

Un gène associé au bégaiement

Au commencement de ce travail figure la découverte, à la fin des années 2000, d’une mutation génétique associée au bégaiement. Grâce à des études de liaison génétique sur des familles de pakistanaises comportant de nombreux bègues, des chercheurs ont identifié un gène, dénommé Gnptab, qui semble impliqué dans le trouble.

Fort de cette information, confirmée par des recherches ultérieures, l’équipe de Terra Barnes a alors entrepris de créer des souris atteintes de la mutation en question. Mais comment montrer que des souris bégaient, alors même que le bégaiement n’est pas toujours perceptible dans une langue étrangère ?

 

Analyser les cris des souriceaux

Pour résoudre ce problème, les spécialistes ont mis au point un programme capable d’analyser les productions vocales des souris. (Lorsqu’ils sont séparés de leur mère, les souriceaux produisent spontanément de petits cris stridents...) Grâce à ce dispositif, il a été possible de montrer que les souris transgéniques avaient effectivement un « discours » – des vocalisations – plus heurté que les souris normales.

La comparaison pourrait paraître artificielle. Mais la recherche sur les bases génétiques d’un trouble neurocognitif commence souvent par la production d’un modèle animal dont les traits comportementaux évoquent ceux rencontrés chez l’homme. Ainsi existe-t-il des souris « autistes » ou « dépressives ».

 

Vers des médicaments anti-bégaiement ?

La mise au point de ces souris bègues pourrait permettre à terme de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent ce trouble du langage. Mais le lien entre ce trouble et la fonction du gène Gnptab, impliqué dans la gestion des déchets intracellulaires, reste pour l’instant plus que nébuleux.

Plus prosaïquement, ce modèle de souris pourrait aussi servir de base à des études précliniques sur d’éventuels médicaments. « On pourra essayer toutes les molécules en magasin, ou encore regarder ce qui se passe dans le cerveau », résume Terra Barnes, le premier auteur de l’étude, dans les colonnes de Science.