ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > La générosité n'est pas une affaire de religion

Etude sur plus de mille enfants

La générosité n'est pas une affaire de religion

Par Julian Prial

Les parents religieux qui pensent que leurs enfants sont plus empathiques et généreux que les autres vont être déçus. Une étude menée aux Etats-Unis prouve le contraire.

STEVENS FREDERIC/SIPA

Sœur Emmanuelle, l'abbé Pierre, Mère Teresa, sont autant de noms qui nous inspirent la compassion envers son prochain. Durant leur vie, ces religieux n'ont cessé d'appeler les personnes à faire preuve de générosité avec les plus démunis. De quoi en conclure que la religion rend altruiste ?
Pas si sûr, car une étude américaine publiée dans « Current Biology » montre que les enfants élevés dans des familles non religieuses sont plus sensibilisés à l'injustice que leurs camarades croyants. 

Relayée par Le Monde, cette recherche a été réalisée dans six pays (Canada, Chine, Jordanie, Turquie, Etats-Unis et Afrique du Sud) auprès de 1 170 enfants âgés de 5 à 12 ans. Les travaux ont été financés par la Fondation américaine John Templeton, une organisation d'inspiration chrétienne qui, comme le rappelle le quotidien, a remis son prix en 2007 au philosophe Charles Taylor pour qui une société laïque n'est pas apte à satisfaire la quête humaine de sens.

Le jeu du dictateur

Les scientifiques de l'Université de Chicago ont appuyé leurs travaux sur un dérivé du « jeu du dictateur ». Ils ont proposé aux enfants de choisir 10 autocollants parmi 30, en leur précisant bien que tous n'en auraient pas. Ils leur ont ensuite demandé s'ils étaient prêts à en offrir à ceux qui n'avaient pas pu en avoir.
Résultat, les petits athées se sont montrés nettement plus généreux que leurs camarades religieux (chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes, hindous, etc). Et, parmi ces derniers, plus la pratique religieuse était forte, plus les dons ont été minces. Tout le contraire de ce que les parents interrogés pensaient de leur enfant.
Le résultat observé a été identique « quelle que soit la culture, et donc la religion », précise Jean Decety, principal auteur de l'étude. 
Enfin, la solidarité communautaire ne semble pas exister chez les plus jeunes, puisque dans ces tests, les dons qu'ils devaient faire étaient destinés à un enfant de la même école qu'eux et donc de la même obédience.

Les petits croyants moins aptes au pardon 

Enfin, la dernière conclusion de ces travaux n'est toujours pas à l'avantage des petits croyants. Ces derniers seraient également plus sévères en matière de punitions. Les chercheurs ont demandé aux enfants de regarder une vidéo où des jeunes en faisaient trébucher d'autres. Le petits devaient ensuite graduer la méchanceté de ces individus et les châtiments qu'ils méritaient. A tous les coups, les enfants élevés dans la religion ont proposé des punitions plus sévères.

Dans ses conclusions, Jean Decety estime que les observations réalisées pour l'étude « remettent en question le fait que la religion serait vitale pour le développement moral, et appuient l'idée que la sécularisation du discours moral ne va pas diminuer la bonté humaine ». A chacun de se faire sa propre religion !