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QUESTION D'ACTU

L'interview du week-end

Addiction à la pornographie : «je passais trois heures par jour à regarder des vidéos de plus en plus violentes»

Le Gouvernement a récemment lancé la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr pour participer à la lutte contre le développement de la consommation d'images et de vidéos pornographiques. A 36 ans, Sylvain, informaticien, nous raconte son addiction, et comment il en est sorti.

Addiction à la pornographie : \ AndreyPopov / istock.




- Pourquoi docteur - Comment l’idée de créer le site addict-porno.fr vous est-elle venue ?

Sylvain - Je voulais donner accès et centraliser un maximum de données sur la dépendance à la pornographie, car il n’y a pas beaucoup d’informations pour les personnes qui en souffrent sur le web. Fonder un site internet me paraissait être le moyen le plus adéquat pour partager mon travail de recherche avec d’autres malades.  

A la base, j’ai commencé à chercher des éléments de compréhension pour gérer ma propre addiction au porno, en me rapprochant d’autres personnes qui en sont atteintes.

- A partir de quand votre addiction à la pornographie s’est-elle déclenchée ?

Ma consommation de pornographie a commencé à devenir problématique en 2008, quand j’ai quitté le foyer familial pour habiter en colocation à Lyon. Vivre avec mes parents freinait mes visionnages sexuels, mais je souffrais déjà d’une forte dépendance aux écrans.

- Combien de temps votre dépendance a-t-elle duré ?

10 ans. Cela a commencé à la fin de mon adolescence.

- Comment se manifestait votre addiction au porno, au plus fort de votre trouble ?

A l’époque, je n’arrivais plus à contrôler mon désir de regarder de la pornographie, quelques soient les situations. C’était devenu un besoin, une obsession, plus du tout un plaisir. Et pour ressentir le bien-être que cela me procurait, il fallait que j’augmente ma consommation. Au fil du temps, je regardais des vidéos de plus en plus violentes, notamment envers les femmes, ce qui ne correspond pas du tout à mes valeurs. Je n’avais aucun recul là-dessus, je ne pensais jamais aux conditions de tournage.

Ce sont les mêmes mécanismes qu’avec d’autres types de drogues ou avec une relation addictive à l’alcool : pour en ressentir les mêmes effets, il faut en prendre de plus en plus, ou alors passer à une substance plus forte.

- Y avait-il des éléments déclencheurs à votre surconsommation pornographique ?

Oui, dès que je m’ennuyais, que je me sentais seul ou plus globalement mal dans ma peau, je me mettais automatiquement à regarder des vidéos pornographiques. C’était devenu comme un réflexe.

Mon activité professionnelle d’informaticien a aussi contribué à ma dépendance.

- Combien consommiez-vous de vidéos pornographiques au quotidien ?

Au pire de mon addiction, je passais deux ou trois heures par jour à regarder des vidéos pornographiques. Et c’était encore pire le week-end, quand j’étais tout seul chez moi.

- Quelles étaient les conséquences de cette addiction sur votre vie de tous les jours ?

Cela me prenait énormément de temps, et m’empêchait de profiter de la vie. Le matin en me levant le week-end, au lieu de me lancer dans des loisirs ou sur des choses plus basiques, comme aller faire les courses, je commençais par regarder du porno, et je zonais en pyjama dans mon appartement toute la journée. Je n’avais plus aucune motivation pour faire autre chose. Au fil de mes recherches, j’ai même rencontré des personnes qui ne mangeaient pas du week-end à cause de leur addiction au porno.

Ma vie sociale a aussi considérablement diminué. J’avais honte, je me repliais sur moi-même.

Par ailleurs, mon désir sexuel a évolué vers des femmes et des pratiques qui correspondaient aux films pornographiques, et plus du tout avec la réalité. J’étais devenu très difficile, ce n’était jamais suffisant.

Quand j’étais en couple, je cachais ce que je regardais à ma partenaire, tout en lui expliquant que c’était normal de regarder autant de porno. J’étais dans le déni.

Et à long terme, ma surconsommation de pornographie ne faisait qu’accentuer mon mal-être psychologique. C’est vicieux, car à l’origine, c’était justement pour soulager mes idées noires que je me mettais à regarder des films pornographiques.

- Quand avez-vous commencé à vous soigner ?

J’ai fait une très grave dépression en 2017. A partir de là, j’ai été pris en charge psychologiquement. Une écoute neutre m’a permis de mieux contrôler mes envies, ce qui m’a été très difficile après 10 ans d’addition.

- Quelle est votre consommation aujourd’hui ?

Je consomme toujours du porno, notamment parce que je suis célibataire. Je pense que si j’avais une copine, je lui réserverais beaucoup plus de mon énergie sexuelle.

Cependant, je regarde beaucoup moins de vidéos, et je passe beaucoup moins de temps à les chercher. Je ne regarde plus de choses violentes, et je gère mieux mes envies. La culpabilité a ainsi disparu, et je ne suis plus dans un mécanisme de récompense.

 

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