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Controverse

Peut-on vraiment parler de syndrome de stress post-traumatique lié au confinement ?

Confinement et stress post-traumatique ; les deux termes sont de plus en plus associés. Pourtant, certains professionnels de santé s'opposent à cette idée : pour présenter un TSPT, il faut que sa vie ou celle d'un proche ait été mise en danger. Ainsi, si les personnes lourdement touchées par la Covid-19 peuvent l'être, toute la population confinée n'est, selon eux, pas concernée. Par ailleurs, le diagnostic du stress post-traumatique est compliqué à poser, ce qui entraîne de nombreuses controverses.

Peut-on vraiment parler de syndrome de stress post-traumatique lié au confinement ? lucigerma/iStock




Dès la mi-mars, la psychiatre et épidémiologiste Viviane Kovess-Masfety s'est retrouvée "assaillie" par les journalistes. Motif : ceux qui l'ont contactée souhaitaient l'interroger sur l'épreuve "atroce" qu'allait être le confinement de la population française. "Ce n'était pas une invention, assure la spécialiste. Une publication parlait de syndrome de stress post-traumatique – TSPT, ndlr. – et tout le monde s'est précipité dessus"

Il s'agit d'une note de synthèse parue le 26 février dernier dans la revue The Lancet. À partir d'études réalisées dans plusieurs pays, parmi lesquels figurent le Canada, l'Australie, la Chine et le Liberia, les chercheurs ont analysé les impacts de confinements d'une durée variable, instaurés pour éviter la transmission de virus tels qu'Ebola, le SARS et le MERS. Résultat : des symptômes de TSPT faisaient partie des effets psychologiques négatifs de la mise en quarantaine de la population. 

Des données à prendre avec des pincettes. Comme le précisent les auteurs, seule une minorité des études sur lesquelles ils ont travaillé ont évalué les symptômes du stress post-traumatique en se référant aux mesures propres à l'identification de ce trouble. "La quarantaine n'est pas qualifiée comme étant un traumatisme dans le diagnostic du TSPT, dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux", soulignent également les scientifiques.

"Que le confinement ait rendu des personnes anxieuses, c'est différent"

Viviane Kovess-Masfety est catégorique : le terme de syndrome de stress post-traumatique n'est pas approprié à la situation des personnes confinées. "Pour pouvoir poser ce diagnostic, la première question est : 'Avez-vous vécu un traumatisme ?', indique-t-elle. On entend par là une situation très effrayante mettant en jeu sa vie ou celle d'un proche. Le Bataclan est l'archétype du TSPT". La psychiatre évoque ainsi les attentats de manière générale, les carambolages dramatiques sur l'autoroute, ou encore les situations de guerre. 

"Le syndrome de stress post-traumatique relève d'un vocabulaire militaire : il ne faut pas confondre la France confinée avec la Syrie ! C'est un autre monde, souligne-t-elle. Si une personne est tant marquée par le fait que, pendant deux mois de sa vie, elle n'a pas pu aller dans des restaurants ni voir ses amis comme elle le voulait, c'est qu'il y a autre chose. En allant dire à un spécialiste qu'elle a un TSPT du confinement, il va parler avec elle pour voir ce qui ne va vraiment pas. Que le confinement ait rendu des personnes anxieuses, c'est différent".

Un TSPT bien réel chez les personnes lourdement touchées par la Covid-19 

En revanche, selon la classification mentionnée par Viviane Kovess-Masfety, les personnes atteintes de la Covid-19 ayant été en réanimation – ainsi que leur entourage – peuvent être concernées par le syndrome de stress post-traumatique. "Elles ont été confrontées à la peur terrible de mourir et à la perte de contrôle", estime la psychiatre. Un avis partagé par la psychothérapeute Nadine Sciacca. En parallèle, cette dernière estime que d'autres personnes ont pu développer un TSPT avec la crise sanitaire, par le biais d'un traumatisme ancien réactivé par un danger de nature similaire.

"Chez quelqu'un qui a déjà vécu une maladie qui a mis sa vie en danger, la situation a pu de nouveau déclencher le traumatisme et la peur de la mort", indique-t-elle. Outre la maladie, d'autres éléments propres au contexte ont pu être source de stress post-traumatique. "Je pense notamment aux femmes qui ont déjà été agressées dans la rue. Pendant le confinement, emprunter des rues un peu désertes en raison des restrictions de déplacement pouvait réactiver l'angoisse d'une agression ultérieure, développe Nadine Sciacca. Avec le déconfinement, cette peur n'a plus lieu d'être".

Des manifestations allant des cauchemars aux attaques de panique

Néanmoins, le TSPT n'est pas rationnel : même si le danger n'est plus présent, l'angoisse l'est toujours. "Cela veut dire qu'une fois guéries, les personnes qui ont été en réanimation à cause de la Covid-19 peuvent continuer à avoir une appréhension excessive de sortir telle qu'elle peut se transformer en peur phobique de s'exposer à un risque", reprend la psychothérapeute. Concrètement, le syndrome de stress post-traumatique peut se manifester par des cauchemars en lien avec l'événement traumatique, des flashbacks et des signes dépressifs.

"Surtout, il peut y avoir une anxiété disproportionnée, irrationnelle, à l'idée de faire des choses qui ne sont visiblement pas dangereuses, détaille Nadine Sciacca. Des crises d'angoisse, voire des attaques de panique peuvent survenir à l'idée de devoir affronter ce qui nous fait peur". C'est dû au fait que le cerveau n'a pas réussi à "digérer" l'événement traumatique. "En règle générale, l'organisme et le psychisme l'intègrent tout doucement : on peut avoir des cauchemars et des flashbacks les premiers jours, mais, normalement, au bout de quelques semaines, ces éléments perturbateurs s'apaisent et disparaissent progressivement, rapporte la psychothérapeute. Auquel cas il n'y a pas de TSPT".

Un diagnostic compliqué à poser

Pour Nadine Sciacca, le syndrome de stress post-traumatique peut s'expliquer par le fait d'avoir voulu refouler l'événement en arrêtant d'y penser, afin de se protéger. "En parler peut raviver la peur, l'angoisse, voire la honte, explique la psychothérapeute. Mais, plus on a tendance à passer le traumatisme sous silence, moins on le digère, et c'est là qu'il peut se transformer en TSPT. Si on a des symptômes de stress qui ne s'atténuent pas au fil des semaines qui suivent l'évènement, il vaut mieux consulter".

Au cas où la personne ne se sentirait pas à l'aise à l'idée de parler de ce qu'elle a vécu, Nadine Sciacca recommande de l'écrire. Et ce, autant de fois que nécessaire. "Cela nous aide progressivement à remettre le passé dans le passé, à désactiver sa charge émotionnelle dans le présent", assure la psychothérapeute. Pour Viviane Kovess-Masfety, le traitement fait justement partie des controverses qui entourent le syndrome de stress post-traumatique. "En France, on pousse beaucoup ceux qui en souffrent à débriefer tout de suite, alors que la littérature suggère qu'il serait peut-être mieux de laisser reposer", indique-t-elle. Une tendance qui s'explique en partie par la nécessité de documenter l'événement traumatique. La raison : le TSPT donne droit à une réparation.

"C'est ce qui est compliqué avec ce trouble : un aspect juridique, et, de fait, sociétal, s'ajoute à la psychiatrie", estime la spécialiste. Un diagnostic compliqué, que l'état antérieur de la personne concernée peut influencer. "Ceux qui n'allaient pas bien avant de vivre un attentat auront sûrement plus de mal à gérer l'événement que les autres", reprend Viviane Kovess-Masfety en citant des travaux menés sur des soldats revenant de l'Afghanistan. Ainsi, la psychiatre mentionne un de ses confrères, qui a mis en lumière une autre controverse. Selon lui, "le syndrome post-traumatique est le seul diagnostic psychiatrique que les gens se battent pour avoir"

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