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Entretien

“Pour qu’il soit le dernier” : François Lambert livre sa version sur l’affaire qui porte son nom

François Lambert, jeune avocat et neveu de Vincent Lambert, a sorti hier son livre “Pour qu’il soit le dernier”, quasiment six mois jour pour jour après le décès de son oncle. Il donne son point de vue sur une affaire devenue le symbole du débat sur la fin de vie en France, alors que le Portugal est en voie de légaliser l’euthanasie et que l’Allemagne a jugé l’interdiction du “suicide organisé” inconstitutionnelle.

“Pour qu’il soit le dernier” : François Lambert livre sa version sur l’affaire qui porte son nom Jean-Guillaume Bayard




L'ESSENTIEL
  • L'affaire Lambert reste emblématique du débat sur la fin de vie
  • En Europe, le Portugal est en voie de légaliser l'euthanasie
  • Le neveu de Vincent Lambert publie un livre en faveur d'une loi sur l'euthanasie

Six mois après la mort de Vincent Lambert, en état de conscience minimale pendant onze ans après un accident de la route, François Lambert, son neveu de quatre ans son cadet, publie un ouvrage, Pour qu’il soit le dernier. Comme l’indique le titre, François Lambert, devenu avocat pour défendre son oncle, souhaite une nouvelle loi pour que soit légalisée l’euthanasie, comme le Portugal est en passe de le faire. Pour Pourquoi docteur, François Lambert donne sa version de l'affaire qui porte son nom. 

Pourquoi avoir écrit ce livre ?

L’objectif est de décrypter, analyser l’affaire Lambert. Quand les médecins ont reculé sur l’arrêt des traitements en 2015, je me suis dit que les dés étaient pipés et j’ai vu qu’un storytelling était en train de se mettre en place. L’affaire est devenue politique et tout le monde voulait défendre sa petite église. Les médecins s'étaient posés en victimes alors que la seule victime, c’était Vincent. J’ai commencé à accumuler les pièces à partir de là pour raconter cette histoire, sans savoir que cela allait prendre la forme d’un livre. J’ai démarré l'écriture deux semaines après la mort de Vincent. Le livre a servi d’exutoire.

Quelle vision de l’affaire avez-vous voulu combattre ?

Dans la conscience collective, le médecin pro-vie a toujours raison. Il y a eu une évangélisation du médecin, et même le Conseil d’État a décrété l’impunité du médecin alors qu’en même temps était votée la loi Leonetti-Claeys. Le Conseil d’État a protégé les médecins qui souhaitent poursuivre les traitements de Vincent, donnant raison aux pro-vies. Ils se sont servis de Vincent pour contrer la loi. La preuve, quand en 2014 il y a un changement de médecin (la docteure Daniela Simon a remplacé le docteur Eric Kariger, NDLR), le Conseil d’État a demandé au nouveau médecin de reprendre tous les éléments pour décider de poursuivre ou pas les soins alors que l’ancien avait choisi l’arrêt. On voit bien que tout repose sur la parole du seul médecin. Autre élément que j’ai voulu restaurer et qui est passé inaperçu, la décision de la Cour de Cassation le 28 juin 2019 qui est allée à l'encontre du Conseil d’État en autorisant un nouvel arrêt des traitements. Il fallait la décrypter et c’est ce que j’ai fait dans ce livre.

Pourquoi ce titre, “Pour qu’il soit le dernier” ?

J’ai l’ambition que ce livre soit lu, notamment par des personnes influentes. J’ai voulu donner un autre regard pour que les gens voient une autre affaire. L’objectif ultime est d’avoir une nouvelle loi pour empêcher qu’une situation comme celle de Vincent ne se reproduise.

Que reprochez-vous à la loi Leonetti-Claeys ?

La dernière version de la loi n’est pas bien différente de la version initiale promulguée en 2005. Dans les deux cas, le principe est que les médecins ont raison quoi qu’il arrive. Tout repose sur la décision du médecin qui devient tout-puissant et cela profite, de facto, aux pro-vies. Si l’on n'est pas d’accord avec le médecin, on est jugé “dans l’émotion” et pas éthique, donc c’est à lui qu’incombe de prendre la décision sans penser au patient ni aux proches. Comme cette loi se rapporte à un sujet dit sensible, il n’y a pas de droit pour la défense. Il faudrait l’intégrer dans un cadre juridique pour faire entendre d’autres voix.

Où en est-on aujourd’hui du débat sur la fin de vie ?

Le débat est artificiel. En réalité, il n’y a plus de débat. J’espère contribuer à un débat juridique sur la question de l’euthanasie. Les pro-vies ne veulent plus parler de Vincent. Pour eux, c’est un fait divers passé et il faut tourner la page. Pourtant, six ans d’affaire Lambert, ce n’est pas un simple fait divers.

Le Portugal a récemment fait un pas en avant dans la légalisation de l’euthanasie, est-ce que c’est la solution pour vous ?

Le point commun entre le Portugal et la France, c’est l’influence de l’Église qui est évidemment opposée à l’euthanasie. Cependant, la différence c’est qu’au Portugal les parlementaires sont jeunes, moins “vieux politiques” et plus dans la vie réelle, ce qui explique leur pas en avant vers la légalisation. Il faut encore voir comment sera appliquée la loi mais c’est une avancée. Il faut faire attention à ne pas laisser la toute-puissance au médecin comme c’est le cas en France. L’idéal serait d’avoir une commission indépendante parce qu’il y aura toujours une zone grise. C’est le cas en Belgique, par exemple, mais le problème c’est qu’elle ne peut intervenir qu’après la décision du médecin qui peut se voir condamner à 10 ans de prison s’il a pris la mauvaise décision.

Pourquoi avoir pris la décision de devenir avocat pendant l’affaire ?

Avant, je faisais du cinéma, j’écrivais des scénarios dans mon coin. Quand Vincent a eu son accident, mais surtout quand les médias se sont emparés du sujet, j’ai compris que ça allait devenir une affaire juridique. À ce moment-là, tout le monde était tétanisé. Les parents de Vincent, favorables à la poursuite des traitements, étaient partout dans les médias et personne ne voulait s’opposer à eux. J’ai essayé de faire entendre ma voix mais je ne connaissais rien aux médias. Je courais après les journalistes sans savoir comment m’y prendre. Le débat était présenté comme un combat entre médecins et parents mais il y avait une autre facette à cette histoire, sauf que je me sentais démuni et seul. J’étais très seul et j’ai vécu ça avec beaucoup de violence. Je ne pouvais pas ne pas aider Vincent et ne rien faire revenait à accepter la décision de ses parents. Je me suis lancé à ce moment-là dans des études de droit, en septembre 2013. J’aimerais avoir des dossiers sur la question de la fin de vie, mais pas que.

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