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Petite enfance

Naissances par césarienne : des bactéries pathogènes dans le microbiote des bébés

Par Angéline Galinier-Warrain

Venir au monde à la suite d’un acte chirurgical influe sur la composition du microbiote intestinal des bébés. Les enfants nés par césarienne ont ainsi moins de bactéries maternelles ... mais plus de bactéries pathogènes présentes dans les hôpitaux.

Reynardt/iStock

Des chercheurs britanniques du Wellcome Sanger Institute et de l’University College London viennent de confirmer grâce à une vaste étude un résultat déjà observé : le mode de naissance constitue un facteur significatif qui affecte la composition du microbiote intestinal pendant la période néonatale et jusqu’à la petite enfance. Les résultats de leurs études ont été publiés dans le journal Nature le 18 septembre 2019.

Le microbiote, est un ensemble de milliards de bactéries qu’un individu héberge sur sa peau, dans sa bouche et surtout dans son système digestif. Les recherches autour du microbiote intestinal humain (anciennement nommé « flore intestinale ») sont actuellement en plein essor, tant il apparaît qu’il pourrait jouer un rôle dans la santé des enfants sur la digestion, le système immunitaire, le métabolisme en général et, plus particulièrement, même celui du cerveau.

Des bactéries héritées de l’hôpital

Pour réaliser ces travaux, les chercheurs ont analysé 1.679 échantillons de microbiote intestinal prélevés à différents moments entre la naissance et l’âge d’un an chez 596 bébés nés à terme dans des hôpitaux britanniques.

Les chercheurs ont alors découvert que la transmission des bactéries de la mère à l'enfant se produit lors de l'accouchement par voie basse. Mais les bébés nés par césarienne récupèrent dans leur microbiote … des bactéries potentiellement pathogènes généralement acquises dans les hôpitaux ! Ces bébés n’ont pas le même microbiote que les enfants nés par voie basse. Ils semblent en particulier manquer de certaines bactéries qui constituent une part importante de la flore intestinale. En dehors de leur rôle immunomodulateur, ces bactéries sont importantes car elles créent un micro-environnement favorable à la colonisation du système digestif du nouveau-né.

"Ce qui me surprend et me fait peur, c’est la quantité de microbes hospitaliers présents chez ces enfants" confie à la BBC le docteur Trevor Lawley, co-auteur de l’étude. Ces bactéries pourraient en effet "représenter 30% de leur microbiote total" précise-t-il. L’environnement local joue donc un "rôle critique" dans la "mise en place du microbiote intestinal dès le plus jeune âge" appuient les chercheurs dans leur étude.

Comment expliquer ces résultats ?

A la naissance, les bébés passent d’un environnement stérile - l’utérus de leur mère - à un environnement riche en bactéries : le monde qui les environne. Lors d’une naissance par voie basse, le bébé passe par le vagin avant d’être confronté à l’air qui l'environne. Il récupère alors les bactéries vaginales et de la zone du périnée qui vont coloniser son corps et son système digestif pour constituer son premier microbiote. A l’inverse, lors d’une césarienne, les premières bactéries avec lesquelles le bébé est en contact sont celles vivant sur la peau de sa maman et celles de l’air de l’hôpital. De plus, avant l’accouchement, toutes les femmes pour lesquelles est pratiquée une césarienne se voient proposer des antibiotiques afin de les empêcher de développer des infections postopératoires, ce qui signifie que le bébé reçoit également une dose d’antibiotiques par le placenta. Cela pourrait également causer certaines différences de microbiote observées entre les deux méthodes de naissance.

Un risque d’infections résistantes

L’étude met en évidence que ces bactéries potentiellement pathogènes présentent un facteur de risque souvent sous-estimé lors des accouchements à l’hôpital mais surtout qu'elles peuvent porter des gènes de résistance aux antibiotiques et sont donc "susceptibles de prédisposer les individus à des infections opportunistes résistantes", précise le chercheur.

Des solutions innovantes pour favoriser la colonisation du tube digestif par des bactéries maternelles non pathogènes chez les bébés nés par césariennes ont déjà été mises au point. Ainsi un médecin présentait récemment dans une interview accordée au site AlloDocteurs.fr une méthode de "recolonisation" bactérienne consistant à prélever des bactéries dans le vagin de la mère par exemple sur un écouvillon qui sera ensuite donné à téter au nourrisson.