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QUESTION D'ACTU

L’invention du plaisir, une bizarrerie de l’Evolution !





 Imaginez une fois, rien qu’une seule, que vous passiez votre temps au lit, à enchaîner orgasme sur orgasme, à monter au septième ciel comme s’il vous suffisait de prendre l’ascenseur. Ce serait le paradis, vous croyez vraiment ? Une expérience des plus célèbres sur des rongeurs a exploré le phénomène en 1954.
L’expérience des chercheurs canadiens James Olds et Peter Milne : des électrodes étaient directement branchées sur le septum des petits rats, à savoir sur la zone du cerveau dévouée au plaisir. Les électrodes étaient reliées à une pédale que les rats pouvaient actionner à volonté. Résultat : ils ne faisaient plus rien d’autre que d’actionner « la pédale du plaisir » et de s’envoyer en l’air par l’électricité. Nourriture et même instinct maternel, tout s’effaçait devant la récompense. Ils allaient jusqu’à s’administrer 100 décharges à la minute (6000 par heure). Certains pouvaient en mourir ! L’aire septale fait partie des centres cérébraux du plaisir chez tous les mammifères. Et chez l’homme aussi.

 

Chez l'humain justement, pas besoin d’une expérience pour parvenir au même résultat (même si l’expérience a été tentée en des temps où l’éthique expérimentale était plus que floue). L’homme peut appuyer lui aussi sur la pédale du plaisir sans électrode, juste en se masturbant toute la journée pour assouvir son besoin de récompense, et c’est une maladie. Elle porte le nom de syndrome d’excitation génitale persistante.
Contrairement à ce que l’on peut imaginer, ce n’est pas un pur bonheur mais une souffrance intolérable qui peut pousser au suicide. L’américaine Gretchen Molannen a ainsi mis fin à ses jours, non sans avoir livré auparavant son témoignage au journal Tampa Bay Times. Au pire de sa maladie, elle pouvait subir jusqu’à 50 orgasmes dans la journée, ce qui la laissait épuisée. Chaque centimètre de son corps la faisait souffrir.

J’en reviens donc à la question de départ : pourquoi le plaisir a-t-il été inventé ? Je veux dire le plaisir sexuel à l’échelle de l’évolution des espèces ? Est-ce un avantage évolutif réel ? Une contrainte coûteuse en énergie mais nécessaire ?

En fait, beaucoup de chercheurs se sont posés cette question. Des comportementalistes, des biologistes, des généticiens, des naturalistes, chacun allant y regarder de plus près à travers le prisme de sa discipline. Pour le généticien André Langaney (1), « un bon orgasme laisse le corps satisfait mais très vulnérable » et l'histoire de la vie, à l’échelle des millions d’années a rarement permis aux animaux de multiplier ces orgasmes ou de les faire durer. Les jouisseurs n'ont aucune raison de faire quoique ce soit d'autre qu'entretenir leur bien-être. Comme en témoigne l’expérience de nos deux chercheurs canadiens James Olds et Peter Milne. 

Dans la nature, les orgasmes répétés empêchent toute activité altruiste vis-à-vis du groupe, la vigilance est réduite, les tâches les plus nécessaires sont négligées, ce qui expose les animaux en liberté aux ennemis, à la faim, ou à la répression sociale.

Les orgasmes dans le règne animal sont donc habituellement soit très brefs, soit très peu nombreux. Le généticien cite ainsi les moustiques et papillons qui ne s'accouplent qu'une seule fois dans leur vie, même si les derniers font durer parfois l'opération 24 heures.

Certaines mouches et beaucoup d'oiseaux ne s'accouplent que quelques dixièmes de secondes. Beaucoup de grands mammifères ne s'accouplent qu'une fois par an ( les gorilles encore moins ! ). Les dérèglements vitaux ou sociaux provoqués par les excès de plaisir semblent donc bien contrôlés à l'état sauvage, et les insectes qui s'accouplent de longues heures sont en fait condamnés. Ils sont assez nombreux et prolifiques pour que leur disparition ne compromette pas l'existence de la population.

Les espèces qui multiplient leurs performances sexuelles comme les lions, les chimpanzés, les bonobos ou les humains, sont en fait relativement rares.

Et pourtant chez l’homme, l’Evolution a été redoutablement efficace pour parvenir quand même à la transmission des gènes, de génération en génération. Le schéma est simple, un homme rencontre une femme, il la désire, il a des rapports sexuels avec elle. Quand il tombe amoureux, il s’attache, ce qui favorise le désir de faire un enfant ensemble. Une pléthore d’hormones cérébrales comme l’ocytocine sont sécrétées ce qui renforce encore l’attachement. La transmission des gènes est donc assurée. La survie de l’espèce aussi, elle passe nécessairement par la reproduction des individus qui la composent. L’amour est donc chez l’homme, avec le plaisir, un facteur d’Evolution majeur. Avec une majuscule ou bien sans.


(1) Professeur émérite au Muséum d'histoire naturelle et auteur de plusieurs ouvrages sur la sexualité.

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