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QUESTION D'ACTU

Le pied : taillé pour la course

Le pied, cette merveille architecturale, a fait de nous des bipèdes capables de courir plus vite que d'autres espèces. Visite guidée de cette partie anatomique avec Alain Froment, médecin et anthropologue.

Le pied : taillé pour la course Robert Hallam / Rex Fea/REX/SIPA




Que votre pied soit grec, égyptien, ou romain, c’est avant tout un modèle d’architecture !  26 os,  16 articulations, 107 ligaments et 20 muscles qui se combinent, s’assemblent, pour créer une magnifique voûte plantaire… Une voûte plantaire qui supporte le poids de notre corps et qui est indispensable pour la course ! Cette zone du pied est particulièrement dense en terminaisons nerveuses, ce qui la rend très sensible aux chatouilles. Quant aux orteils, ils ont tous leur utilité. Les doigts de pied permettent en effet à notre cerveau de savoir où l’on s’aventure, quelle est la nature du terrain sur lequel on marche. Une information essentielle pour que le cerveau dicte au corps la position la mieux adaptée. L’expression « Bête comme ses pieds » n’a donc aucun sens. La meilleure preuve, c’est que le célèbre médecin, Galien, a déclaré : « Dieu n’a pas moins travaillé en le faisant qu’en créant le soleil… le cerveau sans le pied serait incomplet »… Donc, soyez aux petits soins avec vos pieds ! L’OMS aimerait que nous en fassions au minimum 10 000 chaque jour pour lutter contre la sédentarité et l’obésité…

 


Entretien avec le Dr Alain Froment, médecin, anthropologue et directeur de collections d’anthropologie au musée de l’Homme. Il vient de publier aux éditions Odile Jacob « Anatomie impertinente – le corps humain et l’évolution » (1)


Pourquoi Docteur : L’homme descend des primates mais qu’est-ce qui fait qu’un jour, nos ancêtres se sont relevés et se sont mis à marcher sur leurs deux jambes ?

Dr Alain Froment : La bipédie va avec l’accroissement du cerveau, avec la perte du pelage, avec l’augmentation des glandes sudoripares, avec la libération de la main, et certainement, avec l’épaississement de la couche de graisse. Il faut imaginer qu’on est des primates africains, donc on vit dans la savane, il fait chaud… Les chimpanzés, les gorilles, sont capables de courir mais seulement sur de petites distances. Donc, on pense que le créneau qui s’est libéré – parce qu’en matière d’évolution, c’est cela, il faut occuper de l’espace –, cela aurait été de pouvoir avoir cet avantage sur les autres animaux.


Cela a eu un impact sur nos muscles, de se mettre debout ?

Dr Alain Froment : Tout a été redistribué, et cela nous a donné des fesses, en fait. Si vous regardez les autres singes, ils n’ont pas de fesses, c’est plat. Mais nous, on a des fesses bien rondes, bien musclées, et le muscle grand fessier, c’est une espèce de hauban qui redresse la colonne vertébrale sur les jambes et qui nous permet de marcher debout.

 

« Prendre son pied »

Pourquoi dit-on de quelqu’un qui prend du plaisir, qu’il « prend son pied » ? Au XIXe siècle, les pirates qui se partageaient un butin, utilisaient une unité de mesure qui était le pied. Ce tas d’or de 33 cm de haut servait ensuite à se payer les services d’une femme de petite vertu. Autre interprétation possible : dans la Grèce antique, les femmes avaient l’habitude de saisir leur pied pendant l’acte sexuel pour augmenter le plaisir.

 

Mais l’intérêt de se mettre debout, est-ce que ce n’est pas aussi de pouvoir mieux respirer ?

Dr Alain Froment : Oui, par rapport à, en tout cas, marcher à 4 pattes ou courir à 4 pattes, le fait de marcher debout libère la cage thoracique. Et donc, pour forcer le gibier à la course, on est meilleur. Et si vous regardez par exemple l’homme et le cheval, sur de courtes distances, le cheval va toujours battre l’homme. Mais on a fait des expériences qui font que, au bout de plusieurs heures ou dizaines d’heures de course, c’est l’homme qui gagne.


Alors justement, les hommes courent vite. On a l’exemple d’Usain Bolt, le coureur le plus rapide du monde. Est-ce qu’il court plus vite que nos ancêtres qui étaient dans la savane ?

Dr Alain Froment : Difficile à dire, mais cela fait environ 1 million et demi d’années qu’on a la structure que nous avons actuellement, du point de vue squelettique, et que nous avons de longues jambes. Et puis en Australie, on a trouvé des empreintes de pas fossiles qui ont plusieurs dizaines de milliers d’années, et l’estimation de la distance entre les empreintes fait penser que ces gens-là couraient déjà très très vite, à peu près à la même vitesse que nos coureurs actuels. Pour aller au-delà de ces limites, en dehors des prothèses et de toute sorte de technologies, il faudrait par exemple avoir des jambes plus longues. Mais, comme une espèce dure à peu près 1 million d’années, nous, nous avons à peu près 200 000 ans, donc, pendant les 800 000 prochaines années, on ne va pas beaucoup évoluer sur le plan de notre architecture.

(1) « Anatomie impertinente – le corps humain et l’évolution » Ed. Odile Jacob, 281 p. 25,90 €


Demain : « La peau, la crème des tissus », avec le Dr Alain Froment.

 

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