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Morphine et opioïdes forts : puissants contre les douleurs mais très addictifs

Morphine et opioïdes forts : puissants contre les douleurs mais très addictifs

Le soulagement de la douleur est devenu plus accessible, grâce au développement de l’utilisation des opioïdes majeurs. Mais leur prescription obéit à des règles strictes et un certain nombre de précautions sont nécessaires pour éviter les effets indésirables et les addictions (qui restent un risque).

Morphine et opioïdes forts : puissants contre les douleurs mais très addictifs

Publié le 24.04.2020

Morphine et opioïdes forts : ADMINISTRATION

Quels sont les principes du traitement par les antalgiques forts ?

Face à une douleur intense, le traitement opioïde fort doit être commencé tôt, très souvent d’emblée, face à la douleur cancéreuse. L’évaluation régulière et fiable de la douleur est indispensable (Échelle visuelle analogique ou EVA).
• La douleur d’étiologie cancéreuse n’est pas un phénomène linéaire et stable. Elle augmente avec la progression tumorale et s’accompagne d’exacerbations. C’est pourquoi il est nécessaire d’associer un traitement de fond de la douleur, grâce à un opioïde à libération prolongée (LP), et un traitement des douleurs intercurrentes avec un opioïde à libération immédiate (LI). La titration se fait donc avec un opioïde LP et l’antalgique LI intervient en complément.
• La détermination de la dose (« posologie ») est clinique et l’objectif est de trouver la dose efficace sur la douleur, soit une EVA en dessous de 20 mm, sans effets secondaires : c’est la « titration ». Il existe une dose de départ, mais la dose maximum est relative, sauf pour certains composés.
• Il faut changer d’opioïde si l’on n’obtient pas un soulagement efficace avec un minimum d’effets secondaires : c’est le processus normal de « rotation des opioïdes », rotation nécessaire pour éviter la tolérance à la plupart des opioïdes et l'augmentation des doses qui en découle.
• La voie orale est indiquée en priorité : soit morphine, soit oxycodone. L’oxycodone offre une action reconnue sur une éventuelle composante neurogène de la douleur, comme dans le « syndrome de Pancoast-Tobias », qui est secondaire à la compression des racines nerveuses d’un bras en rapport avec une tumeur du sommet du poumon.
Ensuite, il faut privilégier les injections sous-cutanées et, si cela ne marche pas, la voie intraveineuse (rapport morphine orale/morphine intraveineuse = 1 à 3, soit 30 mg de morphine orale = 10 mg de morphine IV).
Le fentanyl transcutané est réservé aux douleurs plutôt stables et quand la voieorale est difficile : cancers ORL, cancers œsophagiens, nombreux médicaments pris (ou « polymédication »).
L’évaluation des effets de la morphine et des opioïdes consiste en une mesure de l’effet analgésique par des échelles verbales (EVS) ou visuelles (EVA) : bien qu’en partie subjective, la répétition de ces mesures est un bon moyen d’évaluer l’efficacité analgésique.
• Une exacerbation douloureuse doit être soulagée, en première intention, par l’administration rapide d’une « interdose » ou « dose de réserve », soit interdose = 10 % de la dose quotidienne à répéter toutes les 2 heures (avec un maximum de 3 à 4 interdoses par jour).
• Le « traitement co-analgésique » sous toutes les formes disponibles est indispensable : anti-inflammatoires stéroïdiens ou non-stéroïdiens, hormonothérapie, radiothérapie, stabilisation des fractures, bisphosphonates, et chimiothérapie si elle peut contribuer à la diminution de la tumeur.
• Chez le sujet âgé, l'insuffisant rénal et l'insuffisant hépatique, les doses initiales seront réduites de moitié, voire au tiers (sujet âgé), puis ajustées selon les besoins
•  En pratique, en cas d’administration de morphine par voie orale, l’évaluation doit être initialement pluriquotidienne (toutes les 2 heures pour une forme LI et toutes les 6 heures pour une LP) et nécessite une adaptation régulière par palier en fonction de la réponse au palier précédent.
Pour l’administration en injection sous-cutanée, l’efficacité maximale est observée en une vingtaine de minutes et l’évaluation peut être réalisée toutes les 30 minutes en répétant les injections toutes les 4 à 6 heures.
Pour l’administration de morphine intraveineuse (hôpital, soins intensifs…), on réalise une « titration » de la douleur en répétant les injections de morphine à la dose de 1 à 3 mg toutes les 6-10 minutes, jusqu’au soulagement complet du patient tout en surveillant l’apparition des effets indésirables.

Comment mettre en route un traitement par opioïde fort ?

Le postulat de départ quand les antalgiques de niveau 1 ou 2 de l’OMS sont inefficaces est que 3 à 4 grammes de paracétamol ou 6 unités d’un antalgique de niveau 2 par jour ont une équivalence équi-analgésique à 40 à 60 morphine orale par 24 heures.
• Il est recommandé de débuter le traitement opioïde fort avec une dose faible, surtout chez la personne âgée (1/3) et celles qui ont une insuffisance hépatique ou rénale (1/2).
Chez l’adulte, la dose recommandée est de l’ordre de 1 mg par kg et par jour (qui sera divisée par 2 en cas d’insuffisance rénale ou hépatique), soit 10 à 30 mg de morphine orale LP, 1 à 2 fois par jour, en adaptant en fonction du maximum diurne ou nocturne de la douleur, du terrain (sensibilité particulière des sujets âgés), d’éventuelles maladies associées (insuffisance hépatique, insuffisance rénale ou insuffisance respiratoire), ainsi que des co-prescriptions de médicaments qui pourraient interférer avec le métabolisme ou l’élimination des morphiniques.
- Morphine LP : Moscontin® ou Skenan LP® : 20-30 mg/ 12 heures.
- Oxycodone LP : Oxycontin® : 10-15 mg/12 heures.
- Fentanyl TTS : Durogesic® : Timbre 25 microgrammes par heure.
Chez la personne très âgée, il faut être prudent et débuter le traitement avec une dose encore plus faible, de l’ordre de 2,5 à 5 mg de morphine orale à libération immédiate, 4 à 6 fois par jour.
• La dose est adaptée toutes les 24 à 48 heures avec opioïdes LP sur 12 heures, ou toutes les 72 heures avec fentanyl TTS, en fonction de l’évaluation de la douleur et de la consommation d’opioïdes LI.
Pour être efficace sur des douleurs qui durent, la morphine doit être donnée de façon préventive plutôt que curative. La recherche de la dose avec le meilleur rapport bénéfice/effets indésirables s’effectue au cours de la titration par une augmentation progressive de la posologie antérieure représentant au maximum le tiers de la dose journalière précédente.
Par exemple, pour une personne recevant du Skenan® LP, 30 mg toutes les 12 heures, il faut ajuster avec Actiskenan® dix mg en inter-dose. Si elle a besoin de prendre les quatre inter-doses par 24 heures, soit au total cent mg morphine/24 heures. La prochaine prescription sera : Skenan LP®, 50 mg toutes les 12 heures et Actiskenan® dix mg.
Pour une personne prenant Durogesic® 25 microgrammes par heure (équivalent à morphine orale 60 mg/24 heures) et Oramorph® dosettes dix mg, 4 à 5 dosettes nécessaires par 24 heures, lors de l’ajustement à la 72ème heure, il faudra prévoir Durogesic® 50 microgrammes par heure.
• Les douleurs intercurrentes sont de causes diverses : paroxysmes du cancer, fin de durée d’action de l’opioïde LP (fin de nuit, fin de journée), mobilisations, examens et pansements. Elles justifient des « interdoses » et il est alors préférable d’utiliser l’opioïde LI correspondant à la forme LP choisi pour une meilleure clarté de l’ordonnance : Morphine LI si Moscontin®, Actiskenan® si Skenan LP®, Oxynorm® si Oxycontin®.
• La dose de chaque « interdose » d’opioïde LI est égale 1/6e à 1/10e de la dose totale opioïde LP par 24 heures. Elle est renouvelable 1 à 4 heures plus tard jusqu’à un total de quatre doses par 24 heures. Par exemple, Oxycontin LP® : quinze mg/12 heures et Oxynorm®  5 mg.
Si on a prescrit Durogésic®, on utilise volontiers aussi la morphine LI ou l’oxycodone LI. L’Oramorph® en dosettes (10, 30, 100 mg) est très intéressant chez les personnes qui ont des difficultés à avaler des gélules ou comprimés.
Actiq® n’est pas adapté à la titration mais il est intéressant en raison de son bref délai d’action (15 minutes) et de sa durée d’action limitée à 2-3 heures entraînant moins de somnolence. Cependant, son prix est élevé et le malade doit avoir une muqueuse de la bouche en bon état. La dose se détermine par touches d’essais : bâtonnets à 200 microgrammes, si petites doses d’opioïdes LP ; d’emblée 400 microgrammes si les doses de fond sont plus importantes. Il faut ensuite adapter la dose selon l’effet produit par le bâtonnet précédent.
• Les modifications des doses et la correction d’éventuels effets indésirables justifient au minimum un suivi hebdomadaire au cours du premier mois de traitement.

Quelles sont les doses d’opioïdes forts utilisables ?

Dans les douleurs cancéreuses, il n’y a pas réellement de dose maximale et l’ordre de grandeur des posologies en équivalent morphine orale par 24 heures est le suivant :
• Petites doses : inférieures ou égales à 200 mg,
• Doses moyennes : 200 – 600 mg,
• Doses importantes : supérieures à 600 mg.
Chez l’adulte non-cancéreux, une réponse insuffisante pour des posologies journalières supérieures à 120 mg de morphine doit cependant obligatoirement conduire à une réévaluation des mécanismes de la douleur et à une remise en cause de l’intérêt du traitement par un opioïde fort.

Peut-on changer d’opioïde fort ?

Lorsque le rapport « analgésie par rapport aux effets secondaires » n’est pas satisfaisant, notamment en cas de troubles digestifs ou de confusion, il faut changer d’opioïde.
L’oxycodone et l’hydromorphone sont une excellente alternative à la morphine, mais il vaut mieux prescrire une dose inférieure de 10 à 25 % par rapport à la dose prévue par la table d’équianalgésie, tout en complétant par un opioïde à libération immédiate.
Par exemple, pour une personne recevant Skenan LP® 90 mg toutes les 12 heures, soit une dose totale morphine orale par 24 heures de 180 mg, l’équianalgésie théorique est de 90 mg pour l’oxycodone et de 24 mg pour l’hydromorphone. On peut donc opter soit pour : Oxycontin® (rapport 2/1) : 40 mg toutes les 12 heures (plutôt que 45 mg) ou Sophidone® (rapport 7,5 à 10/1) : 8 mg toutes les 12 heures (plutôt que 12 mg).
À noter qu’Oramorph® est très bien supporté en opioïde LI associé à la Sophidone® ou l’Oxycodone®, alors même que la personne peut avoir des troubles confusionnels avec la morphine LP.
Il faut régulièrement changer d’opioïde dans le processus normal de « rotation des opioïdes », rotation nécessaire pour éviter la tolérance à la plupart des opioïdes et l'augmentation des doses qui en découle.

Faut-il privilégier la voie injectable ?

La voie injectable, dite « parentérale » (sous-cutanée ou intraveineuse) pour la morphine, l’oxycodone ou le fentanyl, n’est pas plus puissante que la voie orale et il vaut mieux toujours privilégier la voie orale.
La voie injectable a deux indications : l’urgence douloureuse et les situations de fin de vie.
Grâce à une pompe programmable (PCA), on détermine un débit basal et des bolus éventuels, séparés par des périodes d’interdiction. À tout moment, la posologie est adaptable. L’utilisation de la PCA demande un apprentissage simple et une surveillance avec des fiches quotidiennes.
En cas de douleur cancéreuse suraiguë, le médecin peut en 24 heures titrer la dose nécessaire. Si la situation le permet, il peut alors convertir en voie orale.

Comment passer de la voie orale à la voie injectable ?

En situation de fin de vie, il est souvent nécessaire de recourir à la voie injectable par voie intraveineuse : malades ne pouvant plus avaler, troubles confusionnels de causes multiples, insuffisance rénale par déshydratation.
Il faut se souvenir que pour la morphine et l’oxycodone, le rapport SC ou IV par rapport à l’oral est de 2 à 3. Ainsi, pour déterminer la posologie SC ou IV par 24 heures, il faut diviser par 2 ou 3 la dose équivalent-morphine orale par 24 heures, avec une réduction supplémentaire prudente de 10 à 25 %.
Par exemple, pour un malade recevant Oxycontin LP® : 120 mg,  2 fois par 24 heures, soit un équivalent morphine orale de 240 x 2 = 480 mg. La dose de morphine ou d’oxycodone IV par 24 heures sera de 480 divisé par 3, soit 160 mg (théoriquement 7,50 mg/h).
Par prudence, il convient de commencer avec un débit horaire 6 mg par heure. Pour la dose de chaque bolus, il faut prévoir 1/24e de la dose totale d’opioïde par 24 heures et des périodes d’interdiction de 20 minutes.
Pour le Fentanyl, la dose intraveineuse est très simple à déterminer, car elle correspond à la posologie en patch. Par exemple, pour un malade ayant besoin de Durogesic® patch 125 microgrammes par heure pour être soulagé, lors du passage à la voie IV par PCA, la dose sur 24 heures sera 125 × 24 = 3 000 microgrammes.

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