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Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire

Violences conjugales : 8 victimes sur 10 sont des femmes

Les femmes sont plus exposées aux violences conjugales que les hommes. Leur risque est 13 fois plus élevé, et elles sont 60 % plus à risque de problèmes de santé.

Violences conjugales : 8 victimes sur 10 sont des femmes sdecoret/epictura

  • Publié le 19.07.2016 à 07h57
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118 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint en 2014. Outre ces violences fatales, les agressions au sein du couple sont tristement fréquentes et touchent surtout les femmes. Le dernier Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH), édité par Santé Publique France, souligne les lacunes qui persistent dans la déclaration de ces coups et autres formes de violence. Les conséquences sont pourtant lourdes : les victimes sont 60 % plus à risque de problèmes de santé que la population générale.

82 % de femmes

La prise en charge des victimes de ces agressions est difficile, parce que beaucoup d'entre elles ne déclarent pas les violences qu’elles ont subies mais aussi parce qu’elles peuvent rencontrer des difficultés financières. « Les femmes parlent surtout aux professionnels de santé, signale Betrand Thélot, co-auteur du BEH. Les problèmes éthiques, techniques et de formation rendent le signalement des victimes plus difficile. » Ce constat, une équipe du CHU de Toulouse (Haute-Garonne) l’établit dans un article du BEH. Ses auteurs ont suivi en 2013 toute personne qui s’est présentée aux urgences pour rixe ou agression, et les ont séparées en deux groupes : celles qui ont reconnu une violence au sein du couple - 8,2 % des admissions - et celles qui ont subi des violences volontaires.

A ce titre, la France est autour de la moyenne européenne, bien que légèrement au-dessus. « Les prévalences les plus fortes se trouvent dans des pays comme le Danemark ou la Lettonie », indique Bertrand Thélot. Les violences conjugales sont majoritairement déclarées par des victimes de sexe féminin (82 %). « La situation des hommes n’est pas comparable, souligne Catherine Cavalin, du Centre d’études européennes de Sciences Po. Les femmes sont massivement plus touchées que les hommes par les violences physiques et sexuelles dans les relations privées. Ce résultat est confirmé même lorsqu’on essaie de mieux intégrer les hommes, par exemple en les interrogeant eux aussi dans des enquêtes statistiques où les conditions de confidentialité facilitent pour toutes et tous les déclarations les plus intimes », ajoute cette co-auteur du BEH, contactée par Pourquoidocteur. De fait, le risque qu’une femme subisse ce type d’agression est 13 fois plus élevé par rapport à un représentant du "sexe fort".

33 % de lésions traumatiques

Les troubles présentés par les victimes sont de natures variées. Par rapport aux personnes impliquées dans des rixes, elles passent moins souvent par le service d’imagerie. Cela ne signifie pas pour autant que les blessures sont superficielles. « 33 % des victimes présentent des lésions traumatiques, chiffre Bertrand Thélot. Pour une femme sur vingt, elles sont définitives ou invalidantes. » Les troubles gynécologiques sont également trois fois plus fréquents et les complications de la grossesse ne sont pas rares. Une situation déjà signalée par Roger Henrion, professeur de gynécologie-obstétrique, dans un rapport de 2001.

Les plaies ne touchent pas seulement le corps, l’esprit est lui aussi durement touché par les agressions au sein d’un couple. « L’évaluation des conséquences des violences conjugales est de mieux en mieux documentée. A long terme, elles sont sans doute redoutables », évalue Bertrand Thélot qui cite, pèle-mêle, dépression, troubles du sommeil, angoisse chronique et même stress post-traumatique.

Un coût de 3,6 milliards d'euros

Outre les visites médicales, absentéisme et poursuites judiciaires sont notamment associés à ces violences conjugales, directement ou indirectement. Les violences conjugales, et leurs conséquences sur les enfants, génèrent un coût de 3,6 milliards d’euros en 2012. 90 % sont occasionnés par les situations dans lesquelles les femmes sont victimes. Cette évaluation tient compte des frais liés aux victimes et aux auteurs. « Il faut calculer les deux car on évalue le coût pour la société dans son ensemble, précise Catherine Cavalin. Mettre des gens en prison n’est pas une utilisation optimale des ressources. » Les économistes tiennent aussi compte des répercussions sur les victimes, qui ont besoin de soins. Mais leur part est minimale face aux coûts indirects, dits tangibles ou intangibles et qui reflètent le manque à gagner pour la société ou le prix de la vie perdue ou meurtrie.

 

Source : BEH


C’est surtout la « valeur de la vie statistique » qui fait augmenter les coûts dans ce troisième chiffrage réalisé pour la France. En 2013, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (rapport Quinet-Baumstark) a réévalué cette valeur. S'appuyant sur les derniers éléments fournis par l’OCDE, il a considéré qu’elle n’était pas conforme aux normes sociales. « Cela veut dire que la puissance publique affirme que la collectivité est prête à dépenser et doit dépenser plus pour sauver une vie ; en somme, que la vie vaut plus cher », résume Catherine Cavalin.

Libérer la parole

Le cœur du problème réside dans les déclarations : les victimes de violences conjugales sont plus souvent informées de l’existence d’un service de médecine légale. La probabilité que les femmes s’y rendent est deux fois plus élevée dans ce cadre que celui d’une autre agression. Les poursuites, toutefois, vont rarement plus loin. « On sait que le taux de plaintes est stable et assez bas », reconnaît Catherine Cavalin. Les études bénéficient en revanche d’une parole plus libérée. « Depuis le début des années 2000, la parole se libère… mais davantage dans les enquêtes statistiques qu’au commissariat, malheureusement, précise la chercheuse. Cela permet, malgré tout, de mieux mesurer et comprendre le phénomène dans l’ensemble de la population, même si les enquêtes peinent toujours à interroger les populations les plus en difficulté, parmi lesquelles se trouvent aussi les victimes les plus graves. »

C’est ici que la prévention intervient, aux yeux de Bertrand Thélot. La coopération avec les structures hospitalières et les services de police ou de gendarmerie a été obtenue. Pour enrichir cette documentation, « les enquêtes doivent être répétées et il faudrait repérer les populations à risque avant même les violences conjugales ». La partie est loin d’être emportée : très difficiles à mener, en raison du silence qui peut planer à ce sujet, ces travaux souffrent aussi du mauvais suivi à long terme des victimes pourtant riche d’enseignements.

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