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QUESTION D'ACTU

Expériences en laboratoire

Création d'un virus mutant : un jeu d'apprentis sorciers ?

Des chercheurs américains ont créé une version mutée et très virulente du virus de la grippe H1N1. Ce ne sont pas les premiers à jouer avec le feu pour la science.

Création d'un virus mutant : un jeu d'apprentis sorciers ? AP/SIPA




Créer une nouvelle version du virus de la grippe H1N1, invincible pour nos défenses immunitaires, cela ne parait pas être la plus judicieuse des idées... C’est pourtant ce à quoi s’est attelée une équipe de chercheurs dirigée par Yoshihiro Kawaoka. Par des manipulations génétiques, celui-ci a en effet réussi à créer une version mutante de la grippe H1N1, qui avait tué plus de 100 000 personnes au cours de l'année 2009.

Le projet a suscité de nombreuses critiques, en particulier au niveau des précautions prises par les scientifiques : les critiques estiment que Kawaoka et son équipe ont pris de nombreux risques en transformant un virus combattable par le système immunitaire en un virus invincible pour l'homme. D’autant que l’expérience a été réalisée dans un laboratoire de niveau de confinement 2, alors qu’elle aurait dû être réalisée dans un laboratoire de niveau 4 (sécurité maximale).

Mais attention, il ne faut pas imaginer que ces recherches ont été menées par une équipe de savants fous : le professeur Yoshihiro Kawaoka a expliqué au journal britannique The Independant le but de sa démarche : ses recherches pourraient permettre le développement de vaccins capables de lutter contre les formes les plus mortelles de la grippe.

Recréer la grippe espagnole, à 3% près

Ce n’est en tout cas pas la première expérience sur un virus extrêmement dangereux. Ainsi en juin dernier, le même chercheur est parvenu à recréer un virus proche à 97% de la grippe espagnole ! Ce chercheur et sont équipe ont identifié 8 gènes d’un virus de grippe aviaire prélevé sur des canards sauvages qui possédaient des similitudes génétiques avec le virus responsable de la grippe espagnole. Pour évaluer le risque posé par un virus potentiel qui pourrait acquérir ces 8 gènes, l'équipe a ensuite utilisé des méthodes génétiques complexes pour générer un virus au final différent de celui de 1918 de seulement 3%...

Extrêmement dangereux si effectuées dans de mauvaises conditions de sécurité (on rappelle que la grippe espagnole a fait entre 30 et 100 millions de morts selon les sources au lendemain de la première Guerre mondiale), ces travaux ont néanmoins apporté de nombreux résultats : tout d’abord, si jamais ce virus venait à apparaître, il réagirait au vaccin actuel contre la grippe saisonnière. De plus, ce nouveau virus proche de celui de 1918 pourrait également être sensible à l'antiviral oseltamivir, utilisé actuellement dans l’arsenal thérapeutique pour combattre la grippe.

Créer un H7N9 mutant davantage transmissible

Mais Yoshihiro Kawaoka n'est pas le seul chercheur à jouer avec le feu. En août 2013, 22 virologues annonçaient dans une lettre commune publiée dans les deux revues scientifiques de référence Science et Nature, leur intention de créer des formes mutantes plus transmissibles du virus de la grippe aviaire H7N9, afin d'évaluer plus facilement les risques de pandémie que représenterait sa transmissibilité d'un humain à l'autre. D’autres recherches de ce type avaient été menée en 2011, sur une version mutante du H5N1. L'inquiétude de la communauté scientifique était telle que 56 chercheurs de renom, dont 3 Prix Nobel, avaient adressé en décembre 2013 une lettre à la Commission européenne réclamant "une véritable analyse de risque" pour ces expériences. Ces travaux avaient qualifié de "folie", certains craignaient qu'ils ne soient à l'origine d'une "pandémie véritablement catastrophique capable de faire des millions de morts." En janvier 2012, un moratoire avait même été décrété, pour être finalement levé en janvier 2013. 

Pour Yoshihiro Kawaoka, "la nature crée continuellement ce genre de choses", il est donc "indispensable de les étudier dans les meilleures conditions de sécurité possible." L'histoire dira si ces recherches à hauts risques ont finalement évité des catastrophes. 

 

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