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QUESTION D'ACTU

Affaire Vincent Lambert

Jean Leonetti : « La décision du Conseil d’Etat peut nous ramener 15 ans en arrière »

Faut-il maintenir Vincent Lambert en vie ? C'est à la question sur laquelle se penche aujourd'hui le Conseil d'Etat. Pour Jean Léonetti, aller contre la décision du CHU pourrait avoir de graves conséquences. 

Jean Leonetti : « La décision du Conseil d’Etat peut nous ramener 15 ans en arrière » WITT/SIPA




Aujourd'hui jeudi, le Conseil d’Etat va se pencher sur le cas de Vincent Lambert. La plus haute juridiction administrative devra se prononcer sur le maintien ou non en vie de cet homme de 38 ans, tétraplégique et en état de conscience minimale depuis cinq ans, à la suite d'un accident de moto. Pour décrypter l’enjeu de cette décision, pourquoidocteur a interrogé Jean Léonetti, médecin, député UMP des Alpes-Maritimes et père de la loi sur la fin de vie qui porte son nom.

 

pourquoidocteur : Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne  a ordonné aux médecins du CHU de Reims de maintenir l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert. Sa femme et le CHU ont fait appel. Si le Conseil d’Etat décide le maintien en vie de Vincent Lambert, ce serait une catastrophe ?

Jean Léonetti : Ce n’est pas une catastrophe mais c’est un vrai problème. Car la question qui se pose, c’est : a-t-on le droit d’arrêter un traitement de survie ? Dans la loi, la réponse est oui. Il y a des traitements qui sont disproportionnés ou qui n’ont d’autres effets que le maintien artificiel de la vie. Et c’est aux médecins de dire si on en fait trop ou pas assez. Bien sûr, ils doivent recueillir l’avis de la famille, les directives anticipées si elles ont été écrites, s’adresser à la personne de confiance. Mais là, on se trouve devant un malade qui ne peut pas exprimer sa volonté. Et les médecins disent que le traitement est vain. Nous ne faisons que maintenir une survie et pas une vie.


Maintenir Vincent Lambert en vie serait donc de l’acharnement thérapeutique ?

Jean Léonetti : C’est évident ! C’est ce que nous, médecins, appelons l’obstination déraisonnable. Mais qui peut dire que nous sommes dans une situation d’obstination déraisonnable ? Les médecins ou les juges ? Moi, je pense que ce sont les médecins en collégialité. Donc, si par malheur, il y avait une décision du Conseil d’Etat très tranchée qui dit : l’obstination déraisonnable est du ressort du juge, cela voudrait dire que les médecins hésiteront à arrêter des traitements, même lorsqu’ils jugeront qu’ils sont excessifs.


"Nous ne faisons que maintenir une survie et pas une vie."


Vous craignez donc que cela conduise à un retour en arrière ?

Jean Léonetti : Oui, on risque de retourner 15 ans en arrière, à l’époque où les médecins avaient peur d’être accusés de ne pas en faire assez. Or, la médecine, c’est le juste soin. Il y a des moments où il faut réanimer et il y a des moments où il faut s’arrêter. Les conséquences peuvent être très graves parce que l’ensemble de la population craint l’acharnement thérapeutique, et on aura une décision qui poussera les médecins à être dans l’obstination déraisonnable. Il ne faut pas oublier qu’il y a quand même 100 000 respirateurs qui sont arrêtés chaque année en France. Ca veut dire que depuis que la loi existe, ça fait presque 1 million de personnes chez lesquelles de manière raisonnable et concertée des collégialités de médecins ont mis fin à des traitements de survie. Si on revient en arrière, ça veut dire qu’on va maintenir artificiellement en vie 100 000 personnes de plus chaque année. C’est humainement inacceptable, médicalement déraisonnable, et socialement et financièrement impossible.


Cette affaire met en lumière un point majeur : les directives anticipées. Elles ne sont rédigées que dans 2% des situations de fin de vie. Est-ce qu’il ne faudrait pas que tous les médecins les recueillent systématiquement ?

Jean Léonetti : Oui, mais comment un médecin qui vient d’annoncer à son patient qu’il a un cancer de la prostate ou un diabète peut demander à son patient de rédiger ses directives anticipées ! Il faut éveiller l’ensemble de la population, car comme Vincent Lambert, nous pouvons tous nous retrouver dans une situation dramatique du jour au lendemain.


"Une loi favoriserant l’euthanasie ne règlera pas le cas de Vincent Lambert"


Est-ce qu’il ne faudrait pas faire comme dans le don d’organe, inciter les Français à la réflexion pour rédiger des directives anticipées ?

Jean Léonetti : Je suis d’accord avec vous mais on n’a jamais fait aucune campagne d’information sur cette loi. On a sans doute cru à tort qu’une loi votée à l’unanimité entrerait naturellement dans la société. Comme l’a recommandé le Comité d’éthique et le Pr Sicard dans son rapport, peut-être qu’il faudrait faire appliquer les lois existantes avant d’en élaborer de nouvelles…


Est-ce que l’affaire Vincent Lambert ne montre tout de même pas qu’il faut une nouvelle loi sur la fin de vie ?

Jean Léonetti : Je ne sais pas… La ministre de la Santé a une obsession, elle veut changer la loi mais on n’a jamais su exactement ce qu’elle voulait changer exactement. Une loi qui favoriserait l’euthanasie, je n’y suis pas favorable, mais ça peut exister. Mais cette loi ne règlera pas le cas de Vincent Lambert parce qu’il ne demande pas à mourir.

 

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