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QUESTION D'ACTU

Essai français

Des cellules souches pour réparer le coeur

L'approche unique au monde de l'équipe de Michel Pucéat pourrait permettre de réparer un coeur lésé par un infarctus. A condition qu'un essai sur l'homme soit autorisé.





Réparer les zones lésées du coeur après un infarctus, grâce à des cellules souches cardiaques, tel est l'objectif ambitieux que vise l'équipe de Michel Pucéat de l'Institut des cellules souches pour le traitement des maladies monogéniques (ISTEM). Les résultats prometteurs de l'essai réalisé sur des singes rhésus sont de bonne augure. « Les cellules injectées sur le coeur des primates se sont comportées comme des cellules cardiaques, évoluant normalement à partir des progéniteurs cardiaques, sans aucune formation de tératome ni même de signes de prolifération », se réjouit Michel Pucéat. « La colonisation des cellules a également été satisfaisante puisqu'elle a atteint 20% sur les zones atteintes ».


Cet essai sur des primates, qui reproduit bien les conditions dans lesquelles pourrait se faire une utilisation sur l'homme, visait essentiellement à vérifier la sécurité de cette approche vis-à-vis du risque de prolifération des cellules injectées, l'un des principaux obstacles à l'usage des cellules souches. Les chercheurs ont ainsi provoqué des infarctus sur 7 singes rhésus dont 4 sont morts. Ils ont ensuite injecté dans la paroi ventriculaire du coeur des survivants, dans les zones lésées et autour des cicatrices, des progéniteurs cardiaques. L'essai s'est fait dans des conditions d'allogreffes, avec des cellules qui proviennent d'une lignée de cellules souches de rhésus dérivée par une équipe américaine et sur des singes immunodéprimés. Les animaux ont ensuite été sacrifiés à 2 et 3 mois.
La régénération cardiaque est l'un des domaines les plus explorés par les spécialistes des cellules souches. Ils utilisent, le plus souvent, des cellules cardiaques ou musculaires complètement différenciées, justement pour éviter le risque de prolifération. « Avec cette approche, les résultats ont jusqu'ici été négatifs car ces cellules sont très sensibles à l'hypoxie qui se retrouve in vivo puisqu'elle est à l'origine de l'infarctus qu'on cherche à traiter , explique Michel Pucéat. Elles doivent aussi être injectées en très grandes quantités puisqu'elles n'ont aucune capacité de prolifération ».

L'équipe de l'ISTEM est encore la seule à avoir fait le choix d'utiliser des progéniteurs cardiaques, qui ne sont pas encore totalement différenciés. Ils sont cependant triés de façon très précise, grâce à un marqueur de surface spécifique, avant d'être injectés sur le c½ur lésé. Cette sélection permet d'éviter toute contamination par d'autres cellules qui pourraient proliférer sans contrôle.

Après ces résultats très satisfaisants, l'institut va lancer de nouvelles séries d'essais sur des souris pour continuer à documenter la sécurité de cette approche. La méthode d'injection devrait également être différente afin d'éviter de multiplier les points d'injection et d'améliorer la couverture des zones atteintes. « Nous allons construire in vitro des patchs de cellules qui pourront ensuite être placés précisément, par une intervention chirurgicale, sur les zones lésées », note Michel Pucéat. Une fois ceux-ci greffés sur le coeur des souris, il sera également possible d'observer l'effet sur la fonction cardiaque en induisant des infarctus sévères car les souris sont plus résistantes que les rhésus qui sont très sensibles. L'objectif est d'engager un essai clinique sur trois patients en phase terminale. La demande d'autorisation pourrait être déposée d'ici la fin de l'année ) mais Michel Pucéat n'est pas optimiste sur la réponse qui sera donnée, même si l'AFSSAPS donne son accord vis-à-vis de la sécurité de l'essai. La loi de bioéthique, qui donne des indications précises sur l'utilisation de cellules souches pour la recherche, est en effet assez confuse sur la mise en place d'essais cliniques. Selon lui, aucune des instances impliquées, y compris le ministère de la Santé, ne s'engagera pour décider de cet essai et la décision finale ne pourra venir que du président de la République lui-même…


Questions à Michel Pucéat,
directeur de recherche à l'Inserm 

La loi de bioéthique est confuse
 



 Quelles sont les démarches pour démarrer un essai clinique avec des cellules souches ?
Michel Pucéat. Il faut déposer un dossier à l'AFSSAPS, avec plusieurs étapes pour la thérapie cellulaire. Il y a une étape de contrôles de la sécurité, du point de vue des micro-organismes, de la population cellulaire que l'on va transplanter. Nous devons également faire la preuve que la population est extrêmement sécurisée, sans aucune chance de se mettre à proliférer de façon anarchique au sein du tissu, ici le myocarde, dans lequel les cellules vont être injectées.

Quels seront les obstacles à cet essai ?
M. P. Les obstacles sont assez confus, par le fait de notre loi de bioéthique, qui nous autorise sous dérogation à faire des recherches sur des cellules souches embryonnaires humaines, à condition que cette recherche ait une vocation pré-clinique, ciblée vers des pathologies. Néanmoins, suivant les juristes auxquels on s'adresse, elle reste relativement floue sur l'autorisation de faire un essai clinique avec ces cellules. Ce qui est complexe, c'est qu'il y a trois parties dans le circuit : l'Agence de biomédecine, qui régule l'utilisation des cellules souches embryonnaires, l'AFSSAPS qui donne les autorisations d'essais cliniques et le ministère de la Santé. L'Agence de biomédecine dit oui, la loi est d'accord. L'AFFSAPS dit qu'elle validera le dossier mais ne donnera pas l'autorisation car ce n'est pas leur fonction puisque le sujet a une autre composante que la simple sécurité sanitaire. C'est probablement une décision qui ne pourra pas être prise par une des trois institutions et qui viendra sans doute de plus haut que le ministère de la Santé.
Entretien avec PL

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