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QUESTION D'ACTU

En débat au Parlement

Faut-il avoir peur des réseaux de soins ?

Mieux rembourser les adhérents des complémentaires pour leurs soins, c'est ce que souhaitent les mutuelles. Au détriment de la liberté de choix des médecins, plaide la profession. 

Faut-il avoir peur des réseaux de soins ? VALINCO/SIPA




Payer ses lunettes 40% moins cher, qui serait contre ? Personne, surtout dans un pays où « les lunettes sont deux fois plus chères que chez nos voisins allemands », souligne Mathias Matallah, président de Jalma, cabinet de conseil spécialisé dans le domaine de la santé. Pour agir sur le prix de la santé, une solution est actuellement avancée : les réseaux de soins. Après la bataille sur les dépassements d’honoraires, c’est celle des réseaux de soins qui fait rage. Une proposition de loi du groupe PS est actuellement en débat au parlement. Ce texte, s’il est adopté, permettrait aux mutuelles de créer des réseaux de soins comme leurs cousins, les assureurs privés. Autrement dit de conventionner des professionnels de santé et de garantir aux adhérents qui les consulteraient un meilleur remboursement.

Le sujet est brûlant et oppose violemment médecins et mutuelles. Pourtant,  « il y a quelques années, nous n’aurions même pas discuté de ce sujet, estime l’économiste de la santé Claude Le Pen. Mais, aujourd’hui, les complémentaires se disent qu’elles ont toute légitimité à réguler le système puisque ce sont elles qui prennent en charge les dépassements, qui payent le tiers-payant ». Et plus personne ne conteste l’urgence à réguler l’offre de soins à l’heure où l’accès aux soins des Français fait partie des priorités des différents gouvernements qui se succèdent.

Réguler l’offre de soins est donc une nécessité. Le Haut conseil de l’assurance maladie et la Cour des comptes réclament une meilleure organisation. Reste à savoir comment. Pour le groupe PS qui a déposé la proposition de loi, les réseaux de soins doivent « permettre aux mutuelles de jouer pleinement leur rôle de régulateur ».
Le système existe déjà pour les soins dentaires et surtout dans le secteur de l’optique. S’il est décliné à l’ensemble des actes médicaux, les mutuelles prendraient mieux en charge les honoraires, les médecins seraient assurés d’avoir un flux de patients solvables. En échange, les complémentaires  auraient bien sûr des exigences. « Elles pourraient, par exemple exiger, dans certains cas un 2ème avis ou encore demander aux médecins de prescrire des génériques… En clair, rendre obligatoire des choses sur lesquelles il n’y a pour le moment que des mesures incitatives, » résume Claude Le Pen.

Les médecins ne transigent pas avec la liberté de choix du praticien
Pour l’économiste de la santé, ce n’est pas « foncièrement plus choquant que les garages agréés de certaines mutuelles ». Mais, les médecins ne l’entendent pas de cette oreille.
Pour les internes en médecine, cette proposition de loi « met à mal le principe de libre choix du patient et l'indépendance d'exercice du médecin. » Rejeter cette proposition de loi est même devenu leur principale revendication de leur mouvement de protestation. « La forte mobilisation médiatique initialement motivée par les revendications sur les conditions de travail et la liberté tarifaire se réaxe progressivement sur l’implication malsaine des complémentaires santé dans notre système de soins. C'est pourquoi il s'agira de notre revendication principale dorénavant », expliquait l’intersyndicat national des internes des hôpitaux (Isnih) dans un communiqué du 15 novembre.
Devant cette fronde, la ministre de la Santé a adouci le texte. Il est maintenant stipulé noir sur blanc que le libre choix du professionnel de santé sera respecté et ces conventions ne devraient concerner ni les généralistes, ni les spécialistes.


Inéluctable ou fantasme ? !
Mais pour Claude Le Pen, « il paraît difficile d’échapper à ce système. De toutes façons, tous les piliers de la médecine libérale sont déjà sérieusement entamés. » Cependant, l’économiste de la santé reconnaît que « la pente est savonneuse » et que ces réseaux de soins nous entrainent « vers une forme de privatisation de la santé. Il faudra donc se demander en permanence si les contreparties demandées ne vont pas à l’encontre de l’intérêt des patients. »
Mathias Matallah, président du cabinet de conseil Jalma, estime lui que « les réseaux de soins pour autre chose que l’optique, le dentaire et les audioprothèses, c’est du fantasme ! L’assurance maladie et les pouvoirs publics tiennent les rênes du secteur et ils n’ont pas l’intention de les lâcher. »
Lors de la signature de l’accord sur les dépassements d’honoraires, les mutuelles n’étaient d’ailleurs pas conviées aux négociations. « Le spectre d’une médecine à l’américaine aux mains des assureurs privées, c’est de la propagande, poursuit Mathias Matallah. Aux Etats-Unis, une consultation de généraliste coûte 150 dollars. La problématique de la maîtrise des coûts n’a donc rien à voir avec la France. »


Bilan contrasté des réseaux dans l'optique
Les assurés ont-ils malgré tout un intérêt à ce que les puissantes mutuelles entrent davantage dans le jeu ? Oui, selon les mutuelles elles-mêmes. Un sondage Ipsos réalisé pour la Mutualité française révèle que 81% des acheteurs de lunettes qui sont passés par des opticiens membres d’un réseau agréé se sont déclaraient satisfaits de leur achat, contre 71% pour l’ensemble des porteurs de lunettes. Mais, les opposants aux systèmes brandissent eux aussi leur sondage. Une étude menée par le cabinet Galileo Business Consulting pour la Centrale des opticiens ( qui regroupent des indépendants) a mis en évidence que 39% des consommateurs pouvant avoir accès à un opticien agréé, n’optaient pas pour le réseau. Le libre choix du praticien pèserait plus lourd dans la balance que les taux de remboursement.

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