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QUESTION D'ACTU

Ecraser un médicament peut le rendre inefficace

Ecraser des médicaments à l'hôpital ou à la maison  n'a rien d'anodin. Une étude menée au CHU de Rouen montre que dans 40% des cas, pilonner un médicament risque de le rendre inefficace.

Ecraser un médicament peut le rendre inefficace Scarlett Nora/SUPERSTOCK/SIPA




C’est une épidémie de tendinites parmi les infirmières qui a mis le feu aux poudres. Intrigués par ces plaintes à répétition, les médecins du CHU de Rouen ont mené l’enquête. Le coupable a été vite découvert : le pilon ! A force d’écraser des médicaments, les infirmières développaient des douleurs aux poignets. Mais, l’enquête ne s’est pas arrêtée là. Elle a révélé que 30 à 40% des patients hospitalisés en service de gériatrie voyaient leurs médicaments réduits en poudre.
Cette pratique largement répandue n’est évidemment pas infondée. Bon nombre de personnes âgées ont du mal à déglutir, au point qu’elles ne peuvent pas avaler le moindre comprimé. En outre, ces mêmes patients souffrent aussi fréquemment de troubles du comportement et refusent catégoriquement de prendre le moindre médicament. Justifiée, cette pratique n’est cependant pas anodine. En effet, toujours selon l’enquête menée au CHU de Rouen, dans 42% des cas, le pilon était à proscrire. La façon dont le médicament avait été fabriqué interdisait l’écrasement. Mais, les infirmières n’étaient pas au courant.

Quels sont les dangers à écraser des médicaments ? Bien sûr, une fois avalés, les médicaments vont de toute façon être réduits en bouillie. Mais, les réduire en poudre avant même d’être ingurgités n’est pas sans conséquence. Or, le pilonnage des médicaments n’est pas l’apanage des services de gériatrie. Les mères de famille savent bien que les enfants ont aussi parfois du mal à avaler certaines pilules. Et elles ont tendance à les réduire en poudre. « Le principal danger de cette pratique, c’est l’inefficacité du médicament, explique Elise Rémy, de l'Observatoire du médicament de Haute-Normandie. Soit parce qu’en l’écrasant vous en laissez une peu de côté, soit parce que le principe actif du médicament ne supporte pas d’être exposé à la lumière ou à l’air. »

Ecoutez le Dr Jean Doucet, gériatre au CHU de Rouen : "En écrasant des médicaments, et en les mélangeant, leur activité peut être diminuée ou renforcée."



Savoir à coup sûr si l’on peut écraser ou pas un médicament n’est pas simple. D’autant que dans la majorité des cas, les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas mené d’études sur le sujet. Néanmoins, il existe quelques pistes. « Par exemple, les médicaments à libération prolongée – comme certains antidouleurs - ne doivent pas être écrasés parce que c’est l’enrobage du comprimé qui leur permet d’agir pendant plusieurs heures, » indique Elise Rémy. Autre exemple : les médicaments dits gastro-résistants, c’est-à -dire ces comprimés, gélules, ou autres capsules qui passent l’estomac sans être altéré par les sucs gastriques, afin d’être absorbé et dissout au niveau de l’intestin. Eux aussi ne supportent pas le pilonnage. C’est le cas des inhibiteurs de la pompe à protons qui luttent contre l’acidité gastrique. En les réduisant en poudre, ils sont simplement réduits à néant. Quant aux médicaments qui doivent fondre sous la langue… eux aussi, il ne faut pas les écraser ni même les croquer car la moitié du produit est détruit avant d’avoir commencer à agir…

Et si on mélange son médicament dans un jus ou dans un yaourt ? Cela peut aider à faire passer la pilule ! Reste à savoir si elle est encore efficace. Et là, rien n’est moins sûr. La dissolution de certains médicaments dans un jus de pamplemousse risque de conduire à un sous-dosage du produit. Quant aux yaourts, ils ne sont pas forcément inoffensifs : le calcium peut dégrader le principe actif du médicament.
Par ailleurs, écraser des comprimés n’est pas sans risque pour l’entourage. Comme on l’a constaté au CHU de Rouen, les infirmières peuvent développer des douleurs aux poignets. Mais, le personnel soignant, tout comme l’auxiliaire de vie ou la mère de famille s’exposent à d’autres risques puisqu’ils ne prennent aucune précaution.


Ecoutez le Dr Jean Doucet
: "Le personnel soignant écrase sans masque. Cela représente un risque potentiel d'allergie."



Les médecins du CHU de Rouen ne se sont pas contentés de poser un diagnostic. Ils ont aussi recherché des solutions. Donc, si vous vous trouvez dans une impasse parce que votre petit dernier serre les dents à l’approche de la moindre gélule, il existe des parades. Tout d’abord, il est conseillé de vérifier sur la notice du médicament s’il  peut être écrasé. Cela est parfois mentionné. Par ailleurs, à la suite de l’étude du CHU de Rouen, l’Observatoire du médicament de Haute-Normandie a dressé la liste des médicaments pouvant être écrasés et des gélules pouvant être ouvertes. Si le pilonnage est prescrit ou si le doute persiste, deux options : prendre le médicament sous une autre forme, soluble par exemple, ou le substituer par un autre produit équivalent qui sera vendu en poudre ou en gouttes. Enfin, il faut aussi s’interroger sur la nécessité de prendre le traitement. Depuis que le message est passé au CHU de Rouen, « il y avait un peu moins de médicaments prescrits, note le Dr Jean Doucet. Et ce n’est pas forcément un mal. »

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