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QUESTION D'ACTU

CHAM 2013

L'innovation médicale bridée par le principe de précaution

Initialement défini pour les questions environnementales, le principe de précaution est désormais régulièrement agité en santé, au détriment de l’innovation indispensable aux malades.

L'innovation médicale bridée par le principe de précaution La ministre de la Santé, entourée des représentants des autorités sanitaires, lors de la conférence de presse sur les pilules de 3e et 4e génération (Paris, le 11 janvier 2013)




« Si le principe de précaution avait eut cours en 1885, Pasteur aurait-il pu inoculer de la moelle contaminée au petit Alsacien Joseph Meister et découvrir le vaccin contre la rage ? ». C’est par cette question que le romancier et Académicien Erik Orsenna a ouvert le 28 septembre à Chamonix la table-ronde consacrée au principe de précaution qu’il animait dans le cadre de la convention CHAM 2013. Cette réunion de têtes pensantes du monde de la santé avait cette année pour thème l’innovation en santé et les peurs qu’elle suscite. Symptôme de ces peurs : le principe de précaution, désormais fréquemment agité par les autorités sanitaires.

Un parapluie pour décideurs politiques

Pourtant, son champ d’application initial concernait l’environnement. « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage », est-il inscrit depuis 2005 dans la Charte de l’environnement en préambule de la Constitution.
« Dans les faits, il est désormais élargi à la santé publique, à l’urbanisme et aux nouvelles technologies. Les pouvoirs publics ont fait du principe de précaution un principe d’inaction qui leur permet de parer non pas à un risque hypothétique mais au désaveu de l’opinion publique », a dénoncé le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud.

 

PourquoiDocteur : En 2005, les parlementaires UMP dont vous étiez le chef de file, étaient hostiles à la constitutionnalisation du principe de précaution. Avec le recul, regrettez-vous d’avoir changé d’avis ?

Dr Bernard Accoyer, député de Haute Savoie, ancien président de l'Assemblée nationale

 

Les politiques présents autour de la table, l’ancien président UMP de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer et l’ancien ministre socialiste de la Santé, Claude Evin, ont volontiers reconnu cette tendance à utiliser le principe de précaution comme parapluie face à l’opinion publique mais surtout face aux juges. « La responsabilité politique dans le domaine de la santé comporte des risques. Beaucoup d’entres nous ont eu à rendre des comptes devant la justice, j’ai moi-même été mis en examen. Le décideur n’est plus en capacité de décider sereinement en matière de santé publique et le risque pour les patients est qu’il préfère alors ne rien faire », a souligné Claude Evin.

Citant les procès de faucheurs volontaires d’OGM, le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud a expliqué que les juges avaient tendance à suivre le mouvement de la société. « La difficulté c’est que le juge doit se prononcer sur des sujets scientifiques qui suscitent des débats quasi-religieux entre experts. Or il n’y a pas de Conseil Constitutionnel de la recherche qui donnerait la vérité ou du moins un semblant de vérité et permettrait aux juges d’éviter de confondre les faits et les opinions », a plaidé le juriste.


Une suspicion généralisée envers la science

« Il n’y a jamais de certitudes en Science, le doute est le moteur de la recherche. Mais faute d’une culture scientifique enseignée dès l’enfance, tout le monde, y compris les médias et les juges, s’engouffre dans cette faille accentuée par le principe de précaution pour cultiver des peurs irraisonnées », a dénoncé le Pr Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. Internet aidant, chacun se fait sa propre opinion sur les sujets de santé, allant parfois jusqu’à mettre sur un pied d’égalité la prise de position d’un activiste avec les arguments scientifiques d’un chercheur spécialiste de la question.

 

Ecoutez Erik Orsenna, romancier et Académicien : « En Science comme en Art, il n’y a pas de démocratie. La parole d’un chercheur ne vaut pas celle de n’importe qui qui tapote dans Google ».

 


Toutes les voix contradictoires isolées ne sont pas des lanceurs d’alerte et il est difficile pour les Français comme pour leurs politiques de savoir qui croire. Pourtant face au discrédit grandissant des experts scientifiques, le récit de Bernard Charpentier, néphrologue et directeur du centre de recherche clinique des hôpitaux de Paris-Sud se voulait rassurant. « Malgré le principe de précaution, nous n’avons pas constaté plus de refus des patients d’entrer dans les essais cliniques, a précisé ce spécialiste. Lorsque l’on prend le temps de bien expliquer les attendus de la science et l’intérêt pour le patient et pour la société de participer à la recherche clinique, les gens n’ont pas peur ». Et Erik Orsenna d’ajouter, saisissant la balle au bond pour conclure : « La noblesse d’une démocratie n’est pas de jouer sur la peur, qui est le plus petit dans l’Homme mais au contraire de s’appuyer sur l’espérance qui est plus grande que l’Homme ».

 

 

 

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